Le Sacrement de l'ordre

Couverture du livre 4ème de couverture du livre

J-C Pompanon
pompanon@wanadoo.fr

L’étude biblique qui constitue la première partie de cet ouvrage, signale une question de vocabulaire qui a semé une certaine confusion dans l’histoire de la théologie.
Dans le Nouveau Testament, les mots “prêtre” et “sacerdote” ne sont pas équivalents : les prêtres (ou épiscopes) sont les Apôtres et leurs successeurs, alors que le terme “sacerdote” devrait être réservé à ceux qu’on appelle improprement les “prêtres” de l’Ancien Testament. Dans le Nouveau Testament les “sacerdotes” sont le Christ ou les baptisés. En fait, on éviterait certains paradoxes si le terme de “sacerdoce” était banni de la théologie du Sacrement de l’ordre.

D’autre part, le terme de “prêtre” n’a pas, dans le Nouveau Testament, son sens actuel : il équivaut au terme “d’évêque”, et la fonction qu’il désigne est celle des Apôtres et de leurs successeurs. De même que les diacres n’ont pas été directement institués par le Christ, mais à l’initiative des Apôtres, les “simples prêtres” semblent avoir été institués après l’époque apostolique… les évêques, qui détiennent la plénitude du Sacrement, ayant alors choisi de transmettre d’une façon partielle (mais avec des “réserves” moindres que pour les diacres) leur pouvoir ecclésial.

Les chapitres patristiques ne veulent pas se contenter de références ou de citations partielles, mais proposent une sorte d’anthologie des textes des Pères de l’Église sur le Sacrement de l’ordre.
Saint Jérôme, qui ne considère pas l’épiscopat comme un Sacrement distinct de la prêtrise, s’est écarté de la tradition patristique commune, et a conduit l’Église d’Occident sur une fausse route pour plus d’un millénaire. Ainsi, saint Thomas d’Aquin, qui compte sept degrés du Sacrement de l’ordre, ne compte pas l’épiscopat parmi ces degrés. Il a fallu attendre le concile Vatican II pour revenir officiellement à la tradition patristique selon laquelle un évêque reçoit une ordination qui constitue la plénitude du Sacrement.

L’enseignement de saint Jean Chrysostome est particulièrement intéressant. Il précise que le rôle du ministre des Sacrements consiste à être un signe. Son pouvoir n’est pas un pouvoir surnaturel de faire grâce : c’est un pouvoir ecclésial d’être le signe certain ou le garant de la grâce du Sacrement. Cela veut dire qu’un prêtre ne prétend pas, comme les chamanes, détenir des pouvoirs surnaturels : le fait de donner un Sacrement ne fait pas de lui un instrument de la grâce, mais le signe d’une grâce qui vient de Dieu seul.

Dans la ligne de saint Jean Chrysostome, ce travail, comme l’ouvrage précédent : “Le Baptême la Confirmation, une introduction aux Sacrements”, veut exprimer la révélation biblique relative à l’efficacité divine des Sacrements en faisant l’économie des paradoxes liés à la théorie de la causalité instrumentale.
Un Sacrement n’est pas un “signe efficace”. Un signe comme tel n’est pas efficace, il est signifiant. Un Sacrement est une “action divine signifiante”. Le Christ ayant fait les Sacrements pour rester présent et agissant dans son Église, on peut dire que chaque Sacrement est une action du Christ, actuellement signifiée dans l’Église. Cet agir divin n’est pas seulement signifié dans un rite ecclésial, mais aussi par un ministre ordonné, la succession apostolique étant le garant et le signe nécessaire de son pouvoir ecclésial.
Si une telle définition est vraie, il va de soi que les Sacrements sont efficaces, ou qu’ils sont causes de la grâce divine, sans qu’il soit nécessaire de faire appel à la curieuse théorie qui fait du rite une cause (même si elle n’est qu’instrumentale) de la grâce.

À propos des diacres, il convient de signaler un ensemble de documents patristiques, canoniques et conciliaires qui montrent qu’en Occident ils ont été ministres extraordinaires du Sacrement de Réconciliation jusqu’à la suppression du diaconat permanent au XIIIe siècle. Ce sujet est développé dans un ouvrage précédent : “Le ministère diaconal de la réconciliation”.

En ce qui concerne la primauté du successeur de Pierre, nos frères “orthodoxes” sont en désaccord avec l’Église catholique. Ils estiment que sa juridiction universelle supposerait un degré du Sacrement de l’ordre supérieur à l’épiscopat.
Qu’est-ce que la juridiction ? Elle a été confondue, dans le passé, avec le munus regendi des évêques, et l’on a supposé que ce pouvoir n’était pas reçu de l’ordination, mais du pape.
Vatican II, conformément à la tradition patristique, enseigne qu’un évêque reçoit de son ordination, et donc du Christ, ses trois pouvoirs (tria munera) de gouverner, d’enseigner et de conférer les Sacrements. Dans cette ligne, on peut définir la juridiction des évêques comme l’exercice légitime des tria munera dans les limites établies par l’Église… c’est un droit d’exercer qui est reçu de l’ordination, avec les tria munera, mais qui est délimité ou déterminé par l’Église. Ainsi, on comprend que la juridiction universelle du pape n’est pas un pouvoir étranger ou supérieur à l’épiscopat, mais une absence de limitation du domaine sur lequel il exerce, de plein droit, les pouvoirs reçus de son ordination épiscopale. Comme successeur de Pierre, il tient sa juridiction universelle du Christ, par son ordination, toute limitation à cette juridiction étant levée pas son élection. Ses électeurs ne lui confèrent aucun pouvoir : ils s’interdisent de limiter son pouvoir épiscopal.

Selon saint Thomas d’Aquin : “c’est le caractère intérieur qui constitue essentiellement et principalement le sacrement de l’ordre.” On dira, plus précisément, que ce Sacrement confère d’abord une mission, et, seulement de ce fait, la grâce nécessaire à son accomplissement. Ce qui est vrai, semble-t-il, de deux autres Sacrements : la confirmation et le mariage. À la différence du baptême, de la réconciliation, de l’onction ou de l’eucharistie, la raison d’être de l’ordination n’est pas d’abord la sanctification de celui qui reçoit le Sacrement, mais de l’Église dont il est le ministre.

La version numérique comporte quelques corrections de détail.

J-C Pompanon, prêtre du diocèse de Versailles

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Publié en 2014