L’histoire du Sacrement de Réconciliation est complexe et mouvementée.
Son nom ancien : “Sacrement de pénitence”, est un héritage de la période patristique durant laquelle une pénitence de plusieurs années précédait la rémission, par l’Église, des péchés graves.
Comme le Baptême, cette pénitence ecclésiale n’était reçue qu’une fois, mais cela n’excluait pas une seconde Réconciliation pour ceux dont la vie était en danger, le “Viatique” étant une forme de Réconciliation qui, selon “l’ancienne règle de l’Église”, devait être accordée à tous les mourants (canon 13 du concile de Nicée). Quant aux clercs, en cas de péché grave, ils étaient déposés de leur ministère et en même temps réconciliés, étant, dès cet instant, admis à l’Eucharistie.
La pénitence étant unique, on suppose généralement que le Sacrement du Pardon était unique. Il est vrai que la pénitence publique n’était pas renouvelable, mais la Réconciliation pouvait être renouvelée : elle n’était pas toujours associée à la pénitence et elle a pris des formes diverses.
On peut considérer qu’il existait à la fin de la période patristique quatre formes de Réconciliation sacramentelle autres que la Pénitence canonique, la forme la plus fréquente étant le Viatique.
Au début du Moyen-Âge, la pénitence publique, infamante et unique, initialement réservée aux péchés graves, deviendra secrète et renouvelable, et elle sera donnée à tous, pour tous les péchés.
Dans la période moderne, la pénitence (ou la peine ecclésiale) qui, à la différence de la conversion, n’est pas nécessaire au Sacrement, en a été progressivement dissociée.
Si un Sacrement est défini comme un signe efficace, on peut difficilement admettre qu’un même Sacrement ait connu de telles transformations, et qu’il ait comporté plusieurs rites à une même époque.
Mais si un Sacrement est un agir divin sanctifiant, signifié ou garanti par un ministre et un rite ecclésial, un rite que l’Église a le pouvoir de créer ou de modifier, la permanence du Sacrement et son institution par le Christ, deviennent plus intelligibles (cf. Le Baptême, la Confirmation, une introduction aux Sacrements, Paris 2008).
La grâce du Sacrement, selon saint Thomas d’Aquin, consiste à rendre “parfaite” la contrition : à l’informer par la charité.
La plupart des théologiens ont cherché d’autres voies, prêtant au Sacrement le pouvoir de donner le pardon sans que le pécheur fasse un acte de charité.
Mais le pardon de Dieu ne peut pas être donné d’une façon arbitraire, et la solution thomiste, sur ce point, semble incontournable.
Il a su voir, en outre, que la grâce du pardon, comme celle du Baptême, peut être reçue avant, pendant, ou après le rite. Cette idée, rarement reprise, conditionne également l’intelligibilité du Sacrement.
Le ministre du Sacrement, comme on le verra dans un prochain ouvrage sur le Sacrement de l’ordre, ne détient pas un pouvoir surnaturel de pardonner les péchés : Dieu seul peut pardonner les péchés.
Le ministre reçoit de son ordination, et donc de la succession apostolique, le pouvoir ecclésial d’être signe et garant du pardon de Dieu.
Cette théorie que l’on doit à saint Jean Chrysostome est en accord avec une définition des Sacrements comme agir divin sanctifiant garanti dans un signe ecclésial, et elle évite les paradoxes de la causalité instrumentale.
Publié en 2010