"Jésus Christ a offert pour les péchés un unique sacrifice." Hébr. 10,12

33ème dimanche du temps ordinaire de l'année B

On ne sait pas qui a écrit la lettre aux Hébreux, mais on sait qu’elle s’adresse à des judéo-chrétiens : des Juifs convertis à la foi chrétienne, et probablement à des prêtres du Temple de Jérusalem. Quelques semaines par an, ils avaient leur tour de service dans le Temple, où ils assuraient la prière et offraient les sacrifices. Beaucoup parmi eux étaient devenus chrétiens, mais ils restaient très attachés au Temple de Jérusalem et continuaient à assurer leur service.
Lorsqu’en l’an 70, le Temple a été détruit par Titus, le fils de l’empereur Vespasien, certains ont eu sentiment que c’était la fin de la religion. C’est à eux, en particulier, que s’adresse la lettre aux Hébreux. Étant devenus disciples du Christ, ils ne devraient pas s’inquiéter de la disparition du Temple et de ses sacrifices d’animaux : "Dans l’ancienne Alliance, les prêtres … offraient constamment les mêmes sacrifices, sans pouvoir jamais enlever les péchés." (Hébr. 10,11). Les sacrifices d’animaux, si nombreux soient-ils, ne peuvent pas sauver les hommes. Les prêtres juifs, en particulier ceux qui étaient devenus chrétiens, s’en doutaient un peu, et pourtant, ils n’auraient jamais osé interrompre leur service.
"Jésus Christ, au contraire, a offert pour les péchés un unique sacrifice … et par son sacrifice unique, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté." (Hébr. 10,12-14). Si les hommes veulent bien recevoir de lui le salut, le sacrifice qui les sauve a eu lieu une fois pour toutes. La lettre aux Hébreux ajoute : "Quand le pardon est accordé, on n’offre plus de sacrifice pour les péchés." (Hébr. 10,18). Le Christ ayant donné sa vie pour nous, offrir d’autres sacrifices pour les péchés n’aurait pas de sens. Les prêtres du Temple avaient vu la fin d’un monde : la fin de ce qui avait été leur univers. Ils comprennent que ce monde-là était appelé à disparaître, et que leur désespoir venait de ce qu’ils ne mettaient pas leur espérance et leur confiance dans le Christ, et lui seul.

Jésus, dans l’Évangile de ce jour, va encore plus loin, puisqu’il parle de la fin d’un autre monde, qui est notre univers terrestre. Mais, lui non plus, ne cherche pas à susciter l’angoisse. Que ce soit tous en même temps, ou les uns après les autres, quoi qu’il arrive, nous devrons tous quitter ce monde, à plus ou moins long terme, mais ce départ ne doit pas nous faire peur, puisque c’est l’entrée dans la paix de Dieu.
Ce chapitre de l’Évangile parle un langage particulier, qui est celui des "apocalypses" : c’est un langage que l’on rencontre à divers endroits de la Bible, et aussi dans les Évangiles ou les lettres de saint Paul.
Ce langage n’est pas fait pour créer l’angoisse, mais pour rappeler aux croyants que rien de ce qui peut arriver à ce monde, ou de ce qui peut leur arriver dans ce monde, ne peut les séparer de Dieu.

Le livre de l’Apocalypse, lui-même, est un livre de consolation. Il a été écrit quelques années après la lettre aux Hébreux, à une époque où l’empire de Néron avait décidé l’anéantissement de l’Église. On pouvait se demander quelles étaient les chances de l’Église naissante face à la puissance de l’empire romain. Le message du livre de l’Apocalypse, c’est que l’empire romain n’est qu’un empire terrestre : il n’a donc aucune chance contre l’Église du Christ. En pleine persécution, quel acte de foi !

C’est le même acte de foi et de confiance que la lettre aux Hébreux demande aux chrétiens restés attachés au Temple de Jérusalem.
Le Temple et ses sacrifices peuvent disparaître… Quelle importance ! Le sacrifice qui nous donne le salut a eu lieu une fois pour toutes. Chacun de nous peut désormais s’en remettre à la tendresse du Christ et accueillir la filiation divine qui lui est offerte. Que ce monde disparaisse un peu plus tôt ou un peu plus tard, quelle importance ! Dieu nous a faits à son image : il nous a destinés à entrer dans sa vie divine; ce qu’il nous demande, c’est de nous laisser prendre par la main.
"Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don : que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes … Mes bien-aimés, dès à présent nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que, lorsqu’il paraîtra, nous lui serons semblables." (I Jn 3,1-2). Voilà pourquoi le dernier avènement du Fils de Dieu ne doit pas nous faire peur.

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