Le problème du mal

3ème dimanche de Carême de l'année C

Dans les années 30, la tour de Siloé qui était construite dans la vieille ville, au Sud de Jérusalem, sur les pentes très raides de la vallée du Cédron, avait fait 18 morts en s’écroulant. Pour beaucoup, c’était une punition de Dieu, mais certains se demandaient en quoi ces 18 étaient plus coupables que les autres, et si punition n’était pas injuste.

On se posait le problème du mal… mais on le posait mal.
Quand les hommes abordent ce problème, c’est généralement pour mettre Dieu en accusation, comme s’il était responsable du mal.
Il faut dire aussi que, pour la plupart de nos contemporains, le mal, c’est un peu tout ce qu’on veut, sauf le péché. Ce qu’on appelle le mal, c’est la souffrance, la mort, les catastrophes naturelles ou non. Il est vrai que ce n’est pas le côté positif de notre univers ; cela fait partie de ce qu’on appelle le mal ; mais si c’est le seul mal que l’on veut bien reconnaître, on passe à côté de l’essentiel.
Le vrai mal, le mal au sens propre, c’est celui qui nous sépare de Dieu : le seul mal absolu, c’est le péché. Si on s’appesantit sur les catastrophes naturelles, c’est aussi parce que c’est un mal qui ne nous remet pas trop en question, et certains y voient un moyen de mettre Dieu en accusation.

Et pourtant le vrai mal n’est pas une rareté. Les nouvelles quotidiennes ignorent le terme de péché, et pourtant elles en sont remplies : c’est parfois l’essentiel de ce qu’elles véhiculent. Haine, corruption, exploitation des personnes qui ont peur de perdre leur emploi, mépris des faibles ou des étrangers, mensonge, étalage de violences et de vices qui font l’objet d’un commerce lucratif parce qu’ils garantissent un certain taux d’écoute.
C’est bien cela qui donne naissance à une société traumatisée. Le péché est là, destructeur des personnes et des sociétés. Ce n’est pas en niant son existence qu’on pourra s’en libérer.

L’attitude d’un certain nombre de psychologues, ou de vulgarisateurs pseudo-psychologues, est assez révélatrice. Si quelqu’un a des problèmes, on cherche à le déculpabiliser en lui expliquant qu’il a subi des traumatismes dans sa petite enfance, qu’il n’a pas été assez aimé, et c’est vrai. Le mal que l’on a subi peut être traumatisant pour toute une vie.
Mais on oublie une chose : c’est le mal que l’on fait ; lui aussi est traumatisant pour les autres et pour soi-même, et là, on aurait peut-être besoin d’être culpabilisé, ou en tout cas responsabilisé.
Autrement, on a cette idée paradoxale que ce sont toujours les autres qui sont responsables de nos traumatismes; on voudrait que cela excuse tout; et nous, du coup, nous ne serions pas responsables des traumatismes que nous faisons subir aux autres. C’est n’importe quoi !

Les contemporains de Jésus pensaient que les 18 morts de Siloé devaient être plus coupables que le reste de la ville. Jésus répond que si Dieu punissait ainsi les coupables, tout Jérusalem aurait péri : "Si vous ne vous convertissez pas vous périrez tous de la même manière." Les accidents ne sont pas des punitions de Dieu, parce que Dieu, heureusement pour nous, ne nous traite pas selon nos droits. C’est une invitation à dire : "Seigneur je sais que je n’ai aucun droit, mais je m’en remets à ta tendresse."
Tout cet Évangile nous dit la gravité du péché, mais cette révélation ne veut pas nous enfermer dans l’obsession du péché : elle nous invite à nous en remettre à l’amour surabondant de celui qui s’est fait homme pour nous libérer du mal.
Jeanne d’Arc, qui pourtant se confessait plusieurs fois par semaine, n’avait pas l’idée que cela lui donnait un droit au pardon. Quand on lui demande si elle est en état de grâce, on sait ce qu’elle répond : "Si j’y suis, Dieu m’y garde … sinon, Dieu m’y mette." Elle s’en remet à la tendresse du Christ.

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