En ce jour où nous fêtons l’institution par Jésus de l’Eucharistie, nous faisons la lecture de l’Évangile de Saint Jean… le seul des quatre Évangiles qui ne parle pas de l’institution de l’Eucharistie.
Pourtant, il y a bien quatre récits de la première Eucharistie… avec le passage de la lettre de Saint Paul aux Corinthiens qu’on a lu ce soir.
C’est un récit très ancien… puisque cette lettre a été écrite autour de l’an 55, à une époque où le texte de l’Évangile était en cours de rédaction.
Cette lettre de Saint Paul est donc très proche des événements… 25 ans après que Jésus ait donné l’Eucharistie à ses disciples… et pourtant, Paul en parle déjà comme d’une «tradition venant du Seigneur».
Si vous avez lu des articles ou des livres sur Saint Paul, vous avez pu voir que certains auteurs imaginent Paul comme un Apôtre indépendant… ayant reçu sa mission de Jésus seul… comme s’il n’avait pas reçu de l’Église sa mission d’Apôtre.
En fait, quand Jésus lui apparaît sur le chemin de Damas, la première chose qu’il lui demande, c’est d’entrer en contact avec l’Église locale… et là, il est baptisé par Ananie… un membre de l’Église de Damas.
Quelques années après, quand il partira pour son premier voyage missionnaire, il sera envoyé en mission par l’Église d’Antioche.
Il est donc entré dans l’Église par le Baptême… ensuite, il été envoyé par l’Église, et finalement, il passera son temps à fonder des Églises.
Ce n’est donc pas un Apôtre en marge de l’Église.
Il parle deux fois de la tradition de l’Église : à propos de l’Eucharistie, et à propos de ce qu’on peut considérer comme le noyau initial du Credo.
Ces deux passages sont dans la lettre aux Corinthiens :
“Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé… Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais reçu moi-même : le Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures. Il a été enseveli, et il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures…” (I Cor. 15, 1-4)
Paul a transmis ce qu’il avait reçu de l’Église : c’est cela la tradition.
Et, à propos de l’Eucharistie, il écrit :
“Voici ce que moi j’ai reçu de la tradition venant du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : «Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi».” (I Cor. 11, 23-24)
Quand il parle de la tradition reçu du Seigneur, il ne veut pas dire qu’il l’a reçue directement de Jésus… on sait que Paul n’a pas rencontré Jésus… en dehors de l’apparition du chemin de Damas.
Il s’agit donc bien de la tradition de l’Église… une tradition qui vient du Seigneur.
Donc, sur les deux points qui constituent l’essentiel de sa mission apostolique : l’annonce de l’Évangile et l’Eucharistie, Paul dit avec beaucoup de solennité qu’il n’a fait que transmettre ce qu’il a reçu.
Il s’efface derrière la tradition de l’Église… celle que l’Église avait reçue du Seigneur.
Vous savez que «tradition» veut dire «transmission»… cela veut dire que l’Église transmet ce qu’elle a reçu du Seigneur Jésus.
Une transmission qui concerne à la fois le message de l’Évangile et la pratique des Sacrements, c’est-à-dire la vie de l’Église.
Il est donc évident que l’Eucharistie n’est pas une invention tardive… elle fait partie de la vie de l’Église depuis les premiers jours.
Dans le livre des Actes des Apôtres, on voit que, dès la Pentecôte, les premiers chrétiens «se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières.» (Ac. 2, 42)
Ce qu’on appelait «la fraction du pain», c’était l’Eucharistie.
25 ans après la mort et la résurrection de Jésus, Saint Paul voit l’Eucharistie comme une tradition qui a toujours existé dans l’Église.
Non pas comme une simple coutume… mais comme le Sacrement qui donne vie à l’Église.
On peut dire que l’Eucharistie rend l’Église vivante et visible… déjà en ce sens qu’elle rassemble notre communauté chaque dimanche… Sans l’Eucharistie, il n’y aurait pas vraiment d’Église visible… mais elle fait bien plus !
Saint Paul écrit, au chapitre 10 de la lettre aux Corinthiens :
«La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas une communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps : car tous nous participons à cet unique pain.»
«Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps.»
Nous tous qui recevons le même pain eucharistique, nous devenons un seul corps… c’est la raison d’être de ce Sacrement.
Ce pain est vraiment le corps du Christ, Paul n’a pas de doute sur ce point … et après lui, toute la tradition de l’Église.
Et pourtant le plus important, ce n’est pas que le pain devienne corps du Christ… mais que nous les croyants, nous devenions corps du Christ.
Celui qui reçoit le corps du Christ devient corps du Christ… il devient fils de Dieu avec le Christ.
C’est le message de Saint Paul… et de toute l’Église après lui.
On peut dire que c’est le Sacrement qui réalise la communion des saints.
Ceux qu’on appelait les «saints» dans l’Église ancienne, c’était tous les chrétiens : ceux qui sont sanctifiés par le Christ… ou par l’Eucharistie… ce qui revient au même.
Saint Augustin disait que, par l’Eucharistie, nous communions les uns aux autres.
Si, par l’Eucharistie, nous sommes tous en communion avec le Christ, on peut dire que nous sommes aussi en communion les uns avec les autres.
Cela veut dire que si nous ne sommes pas vraiment fraternels les uns avec les autres, nos communions eucharistiques sont illusoires.
C’est peut-être pour cette raison que Jésus, le Jeudi Saint a lavé les pieds de ses disciples… le jour où il leur donnait l’Eucharistie, il les invitait à se faire serviteurs de leurs frères.
Il nous invite particulièrement à nous faire serviteurs des petits et des pauvres… pas seulement ceux qui sont petits par la taille ou plus pauvres financièrement… mais tous ceux qui sont dans une situation de dépendance.
Ce service, chacun peut le faire dans son entourage professionnel ou familial… en évitant toute forme d’arrogance et toute attitude blessante.
On peut aussi le faire dans le cadre de la Paroisse ou de l’Église… par exemple le service des malades ou des personnes âgées… dans les maisons de retraite ou chez elles.
Jésus a lavé les pieds de ses disciples… c’est un geste plus parlant que tous les discours… et il ajoute :
«Si moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.»
Si on sait laver les pieds de nos frères blessés par la vie… on sera vraiment en communion avec le Christ.
Publié le 2015-08-28