Ce récit de la multiplication des pains est un passage de l’Évangile de saint Jean qui a été choisi pour être lu pendant l’Eucharistie.
Ce genre de choix liturgique ne date pas d’hier !
En fait, dès le premier siècle, avant même que les textes de l’Evangile aient été rassemblés sous leur forme actuelle, le récit de la multiplication des pains était déjà une lecture utilisée dans la liturgie.
Son premier usage, quelques années après la résurrection du Christ, était exactement celui que nous en faisons aujourd’hui … une lecture pour la célébration de l’Eucharistie.
Si vous lisez des articles sur la Bible, vous avez pu voir que les Évangiles sont datés de la fin du premier siècle… autour de l’an 80.
Mais attention… cela ne veut pas dire que les Évangiles ont été écrits dans les années 80, 50 ans après la mort et la résurrection du Christ.
Les premiers disciples étaient des gens qui savaient lire et écrire… et très vite, ils ont mis par écrit des paroles de Jésus, ou des récits de miracle, ou des paraboles… mais ce n’était pas un récit organisé… c’étaient quelques lignes sur un papier qui circulait dans les communautés chrétiennes.
On a parfois supposé que les paroles de Jésus avaient été transmises pendant des année par une tradition orale.
On sait maintenant que ce n’est pas le cas… ces paroles ont été écrites et recopiées par les premiers chrétiens… ensuite, ils les ont collectionnées… et certains ont fait des collections de collections.
Et autour de l’an 80, on s’est retrouvé avec quatre collections officielles qui sont nos quatre Évangiles.
On n’a donc pas attendu 50 ans pour écrire les paroles de Jésus… elles ont été écrites bien avant que les Évangiles prennent leur forme actuelle… et, dans les années 80, ils se sont fixés, pour l’essentiel, dans la forme qu’ils ont encore aujourd’hui.
Mais évidemment, avant cela, saint Pierre, saint Paul, et les premiers missionnaires ont annoncé l’Évangile… ils ont également célébré l’Eucharistie… et là, ils faisaient des lectures.
Et parmi ces lectures, le récit de la multiplication des pains avait beaucoup de succès, puisqu’on le trouve dans les quatre Évangiles… on le trouve même cinq fois, puisque Saint Matthieu en fait deux fois le récit !
Un tel succès s’explique non seulement à cause du côté impressionnant de ce miracle … mais par tout ce qu’il évoque et ce qu’il annonce.
Dans cet Évangile de saint Jean, c’est Jésus lui-même qui donne le pain à chacun dans la foule… ce n’était pas l’Eucharistie… mais c’est une belle image de l’Eucharistie… parce que, dans l’Eucharistie, c’est Jésus lui-même qui vient à nous et qui nous donne son corps.
Si vous êtes là ce soir (ce matin), c’est parce que vous avez à cœur d’être fidèles aux Sacrements… et en particulier à celui-là.
Dans chaque Sacrement, c’est Jésus qui intervient dans notre vie… c’est pour cela qu’il a fait les Sacrements… pour rester présent au milieu de ses disciples.
Le Fils de Dieu n’a jamais fait ses adieux à ses disciples… il ne les a jamais quittés : il a dit : «Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps»… c’est la dernière ligne de l’Évangile de saint Matthieu.
Et s’il nous a donné les Sacrements, c’est pour que nous ayons la certitude de sa présence.
Il y a des Sacrements qu’on reçoit une fois dans sa vie… comme le Baptême ou la Confirmation.
Le Baptême, c’est notre naissance à la vie d’enfant de Dieu… la naissance cela n’a lieu qu’une fois dans la vie.
Par la Confirmation, on devient apôtre… et quand on est apôtre, en principe, c’est pour toute la vie.
Mais l’Eucharistie n’est pas faite pour être reçue une fois.
Cette vie d’enfant de Dieu reçue à notre Baptême, on ne peut pas la laisser s’éteindre… il faut la nourrir et la faire grandir continuellement.
C’est pour cela que Jésus nous a donné l’Eucharistie… pour que nous puissions le rencontrer d’une façon habituelle… comme un ami rencontre un ami.
Il a dit : «Je ne vous appelle pas serviteurs, je vous appelle mes amis.»
Une personne qu’on aime, on ne se lasse pas de la rencontrer.
C’est pourquoi on ne peut pas se lasser de l’Eucharistie… c’est la rencontre de notre ami le plus fidèle.
Beaucoup de gens pensent qu’être chrétien, c’est avoir une certaine croyance… mais notre foi ne consiste pas seulement à croire des vérités… elle consiste avant tout à croire en des personnes.
La preuve, c’est le «Je crois en Dieu» : il ne parle que des personnes… il comporte trois parties qui correspondent aux trois personnes divines.
Et parmi ces trois personnes, le Fils de Dieu s’est fait particulièrement proche… il a partagé notre condition humaine… il a tout fait pour se rendre accessible… et s’il a fait les Sacrements, c’est pour rester accessible.
Il y a 2000 ans, en Palestine, il n’y avait pas de terme spécial pour désigner une personne… on disait généralement «le corps».
Quand Jésus donne l’Eucharistie à ses disciples, il leur dit : «Ceci est mon corps»… cela voulait dire : «Ce pain, c’est moi… c’est moi en personne.»
C’est ce que les premiers disciples ont compris… et après eux, tous ceux qu’on appelle les Pères de l’Église, qui sont les premiers successeurs des Apôtres… pour eux, il n’y a pas de doute : l’Eucharistie c’est le Christ.
Un des plus anciens textes sur l’Eucharistie, c’est la lettre de saint Paul aux Corinthiens, écrite en 56… presque trente ans avant que les Évangiles se fixent sous leur forme actuelle.
Au chapitre 10, il écrit : «Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ ?» et il ajoute : «Parce qu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps.»
Si nous recevons le corps du Christ, c’est pour devenir corps du Christ… c’est pour devenir fils de Dieu avec lui.
Voilà pourquoi l’Eucharistie est une rencontre et un acte d’amour… et voilà pourquoi elle nous rassemble chaque Dimanche.
Publié le 2015-07-25