Donner sa vie en rançon

29ème dimanche du temps ordinaire de l'année B

«Le Fils de l’homme est venu, non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.»

Dans le monde romain, ce qu’on appelait un rédempteur, c’est quelqu’un qui payait la rançon d’un esclave pour le libérer.
Il n’achetait pas l’esclave… pour en faire son esclave… il payait le prix, pour que l’esclave devienne un homme libre.
Cela suppose que l’esclave était un ami… en tout cas, un tel rachat était un acte d’amitié totalement gratuit… un acte qui fait penser à l’amour que Dieu a pour nous… un amour qui est le plus gratuit… L’amour de Dieu est le seul amour au monde qui soit totalement gratuit.

Un esclave n’avait aucune chance de se libérer s’il ne rencontrait pas un tel ami… un racheteur ou un rédempteur.

Dans notre Évangile, Jésus dit qu’il donne sa vie en rançon.
L’image de la rançon signifie que nous étions esclaves… esclaves du péché, c’est-à-dire totalement impuissants à nous en libérer par nous-mêmes… et elle signifie que le Christ nous en a libérés, au prix de sa vie.
C’est une image très forte… qui illustre deux révélations du Nouveau Testament : l’impossibilité absolue de se sauver sans la grâce de Dieu et le fait que le Christ a donné sa vie pour notre salut.

Chez les Romains, un rédempteur ou un racheteur payait la rançon en argent… tout esclave avait un prix !… Evidemment, il ne donnait pas sa vie en échange de celle de l’esclave… Et pourtant, vous imaginez la reconnaissance que pouvait avoir l’esclave libéré !

Eh bien, quelqu’un qui donne sa vie en rançon, cela arrive quelquefois.
Dans l’histoire récente, vous connaissez sûrement l’exemple d’un homme qui l’a fait : il a donné sa vie pour racheter un condamné.

C’était le dernier jour de juillet 1941 : les sirènes d’Auschwitz sonnaient pour annoncer la fuite d’un prisonnier.
En guise de représailles, dix autres prisonniers devaient être emmurés vivants dans un bunker de béton, pour y mourir de faim.
Tous les prisonniers ont été alignés dans la cour… et ils ont attendu pendant une journée entière, sous un soleil brûlant, sans manger ni boire.
Finalement, le commandant du camp et son assistant de la Gestapo sont passés entre les rangs pour désigner au hasard les dix condamnés.
L’un d’entre eux s’appelait Francis Gajowniczek… quand on l’a désigné, il a crié : «Ma femme… mes enfants !»
A ce moment, un homme a enlevé son bonnet et il est sorti des rangs, il portait des lunettes rondes à monture de fer : c’était le Père Maximilien Kolbe. Le commandant a demandé : «Que veut ce cochon de Polonais ?»
Il a dit : «Je suis prêtre catholique. Je veux mourir à la place de cet homme. Je suis vieux. Lui a une femme et des enfants ... moi, je n’ai personne.»
«D’accord», a répondu le commandant, et il a continué sa sélection.

Le Père Kolbe n’était pas si vieux : il avait 47 ans… il était religieux franciscain… il jouissait d’un prestige considérable dans l’Église pour ses réalisations multiples en Pologne et au Japon : il avait créé la «cité de l’Immaculée», une fondation qui regroupait 800 religieux, avec une maison d’édition et une station de radio. Il avait été arrêté par la Gestapo cinq mois plus tôt… il avait donné refuge à des Juifs.

Les dix hommes ont été conduits dans le bunker de la faim.
Habituellement, ils s’entre-déchiraient et mouraient en quelques jours.
Mais, cette fois, ce fut différent. Nus et étendus sur le sol, ils ont prié tant qu’ils en ont eu la force, et ils ont chanté des cantiques.
Quinze jours après, trois de ces hommes avec le Père Maximilien étaient encore en vie. Comme on avait besoin du bunker pour d’autres condamnés, le 14 août, on les a liquidés tous les quatre. Le Père Kolbe, encore conscient, fut achevé avec une injection de phénol.
Le lendemain, 15 août, fête de l’Assomption, son corps a été brûlé dans un four crématoire.
En 1982, quand Jean Paul II a canonisé le Père Kolbe, Francis Gajowniczek était à Rome avec ses enfants et ses petits enfants : pour lui, en tout cas, le mot «rédemption» voulait dire quelque chose.

Jésus, lui aussi, a donné sa vie… Saint Jean écrit : «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui, ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.» (Jn 3, 16).
Et il cite cette parole de Jésus : «Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.» (Jn 15, 13-14).

La mort de Jésus n’est pas un accident imprévu… c’est un sacrifice… un don de soi… c’est dans l’Évangile de Saint Matthieu :
On voit que la passion et le sacrifice de Jésus réalisent un projet de Dieu, un projet que Jésus avait annoncé par avance : «Le Fils de l’homme doit être livré aux mains des hommes, et ils le tueront et le troisième jour il ressuscitera.» (Mt. 17,22)

C’est aussi l’Évangile de ce jour :
«Le Fils de l’homme est venu, non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie, rançon pour la multitude.»

Si vous aimez discuter, vous pourriez dire : «Mais pourquoi Jésus a choisi de nous sauver en donnant sa vie ?… il était le Fils de Dieu… il aurait pu nous sauver autrement.»
En disant cela, vous auriez raison… il aurait pu !

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous donner une révélation… il l’a donnée en paroles : il a annoncé l’Évangile… la Bonne Nouvelle.
Mais chaque instant de sa vie est également une révélation… son comportement est la révélation de la tendresse de Dieu pour les hommes.
Pour nous révéler que Dieu nous appelle à une résurrection, il ne s’est pas contenté d’en parler : il est ressuscité.
Toute sa vie a du sens… toute sa vie est une révélation.

Si Jésus a voulu donner sa vie… c’est pour nous révéler, à la fois, la gravité du péché qui nous sépare de Dieu… et en même temps, l’immense tendresse de Dieu qui nous supplie d’accepter son pardon.

On peut dire qu’en donnant sa vie, le Fils de Dieu se met à genoux devant les hommes et les supplie de se laisser réconcilier.
C’est ce que Paul dit aux Corinthiens : “C’est au nom du Christ que nous sommes en ambassade, et par nous, c’est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu.” (2 Cor 5,20)

Si le Père nous a donné son Fils, c’est par amour… et si le Fils a donné sa vie, c’est par amour… pour nous sauver du péché… parce que le péché nous détruit et nous coupe de Dieu… et que Dieu n’a qu’un désir : nous tendre la main… il nous supplie de ne pas nous détruire.
Et le Fils, qui s’est fait homme, est prêt à donner sa vie pour cela… il est prêt à faire tout ce qu’un homme peut faire pour nous sauver de nous-mêmes et nous révéler les intentions de Dieu :
“Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie.” (Jn 15,13)
Il n’y avait pas de façon plus parlante de nous dire la tendresse de Dieu.

C’est la journée des missions… être missionnaire, c’est se faire serviteur de nos frères… c’est la meilleure façon de leur faire découvrir l’immense tendresse du Christ.

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