C’est la journée des missions… mais il n’y a pas de missionnaire de passage pour nous faire l’homélie.
Alors, j’aimerais vous dire un mot sur deux années de ma vie passées au Sénégal dans une Mission de brousse… à une époque où j’étais encore séminariste.
C’était dans une Mission, à 80 Km au Nord de Dakar, qui avait un nom pas très sénégalais : Mont Rolland.
Fondée au début du siècle dernier… par des missionnaires spiritains.
Plusieurs missionnaires avaient laissé leur vie dans ce village… mais il n’y avait eu aucune conversion.
Tout a changé avec l’arrivée d’un jeune missionnaire.
En fait, il n’aurait pas dû venir.
Comme il était en mauvaise santé : plus ou moins tuberculeux… après ses études, on l’avait affecté aux orphelins d’Auteuil !
A cette époque, on ne protestait pas (religieux… voeu d’obéissance)… mais lui a protesté… il a dit qu’il n’était pas entré dans un ordre missionnaire pour vivre à Paris !
Ses supérieurs ont accepté de l’envoyer au Sénégal.
Bien des missionnaires ne survivaient que quelques années !
Au début du XX° siècle, les missionnaires prenaient un aller simple !
On s’est dit que lui ne tiendrait probablement que quelques mois… mais on n’a pas voulu lui refuser la joie de mourir en mission !
En fait, trente ans plus tard, il était toujours là… guéri par le soleil du Sénégal… et Mont Rolland était devenu un centre de vie chrétienne.
A l’époque où j’y suis allé… années 60… il y avait plus de 2000 croyants… c’est à dire 2000 pratiquants dans tout un groupe de villages autour de la Mission… jusqu’à 20 Km.
Et même les plus éloignés, chaque Dimanche, faisaient 20 Km pour recevoir le corps du Christ, au cours d’une Messe qui durait deux bonnes heures.
Le prêtre seul avait le droit de donner la communion… ce qui durait plus d’une heure… et pendant ce temps la chorale chantait des cantiques en wolof et en latin !
Mon curé, le Père Pouget, avait demandé à l’évêque si je pouvais l’aider à donner la communion (presque 2000 personnes)… c’était pendant le Concile… la réponse avait été “non” !
Et pourtant je portais une barbe et une soutane !
Il y avait également, dans cette mission, trois religieuses… des soeurs franciscaines missionnaires de Marie… passionnées par leur travail… et qui faisaient un travail extraordinaire.
La mère supérieure s’occupait du catéchuménat des femmes… généralement des jeunes filles qui, au terme de leur formation, venaient loger plusieurs mois à la mission pour finir leur préparation au Baptême.
En dehors de la catéchèse, les soeurs en profitaient pour leur apprendre toutes sortes de choses… hygiène… cuisine… couture… puériculture !
Une autre soeur était infirmière et tenait le dispensaire.
Elle voyait à peu près 200 malades par jour… on venait la voir de 20 Km à la ronde… parfois de villages qui avaient leur propre dispensaire.
Mais il arrivait régulièrement que l’infirmier local arrête les consultations… Il disait “Ya plus de médicaments !”… ce qui était vrai !
Et il renvoyait les malades… alors, ils venaient à Mont Rolland !
Le Curé de la Paroisse avait appris le Wolof, qui est la langue véhiculaire au Sénégal… et qui servait dans la liturgie.
La soeur infirmière, elle parlait deux autres langues locales.
Elle mesurait 1 m 50… un peu ronde… une boule d’énergie !
La troisième soeur s’occupait de l’école des filles.
La mission avait une école primaire… 600 élèves… 300 filles et autant de garçons… mais pas mélangés.
Je faisais la classe aux garçons, en CM.2… la terminale… l’école avait démarré six ans auparavant avec des élèves de tous les âges… de sorte qu’en CM2, les élèves avaient entre 12 et 18 ans !
Ils n’avaient jamais parlé le français en dehors de l’école… certains extrêmement brillant intellectuellement… deux d’entre eux sont devenus professeurs à l’université… un est devenu moine et prêtre au Monastère de Keur Moussa.
La Paroisse a donné un quinzaine de vocations sacerdotales… j’ai connu certains d’entre eux qui sont des prêtres remarquables.
La difficulté, après ces deux années passées là-bas, a été de repartir !
L’Afrique vue de loin… avec son climat… ses maladies… sa pauvreté … ne semble pas très séduisante !
Mais, quand on vit là-bas deux ans, dans un village de la brousse… on découvre des gens extraordinairement attachants… et il est très difficile de les quitter !
On entend également des critiques sur certains aspects de l’Église d’Afrique.
Les chrétiens d’Afrique ont aussi des défauts… mais certainement pas plus que nous… j’ai vu là-bas un sérieux de la vie spirituelle… dans l’éducation des enfants … un sens du partage étonnant.
Le partage est vraiment une chose qui va de soi !
Je suis reparti là-bas quelques années après… faire des photos pour le Secours Catholique de Dakar… c’était pendant une période de famine … le soir, dans les villages les gens prenaient leur unique repas de la journée… Eh bien, presque tous voulaient m’inviter à partager leur repas .
Les gens cultivaient le mil et le sorgho… c’était leur nourriture de base … mais parfois, si la saison des pluies était trop tardive ou trop irrégulière, c’était la famine.
Ils cultivaient aussi des arachides pour avoir un revenu… leur revenu annuel était de quelques centaines d’Euros, par an et par famille… ce qui servait pour l’impôt et pour toutes les dépenses de l’année !
Dans les villages de la brousse, comme dans les banlieues de Dakar, il y avait une grande pauvreté… mais ils ne savaient pas vraiment que c’était de la pauvreté… ils avaient toujours connu les famines !
Ils avaient leurs qualités et leurs défauts… mais dans ces villages de brousse, on découvrait surtout beaucoup de sagesse et d’humanité.
Le Dimanche, des Français qui travaillaient au Sénégal, venaient parfois en famille assister à la Messe chez nous et restaient pour le déjeuner… ensuite, on les emmenait faire un tour dans les villages et ils étaient accueillis par les gens.
Un jour, après ces rencontres, un de ces Français de Dakar, marchait derrière sans rien dire… on s’est demandé pourquoi… il nous dit a qu’il avait passé 20 ans dans le pays… et que ce jour là il, pour la première fois, il venait de découvrir l’Afrique !
Les Sénégalais, jusque-là, étaient pour lui des manoeuvres qu’il faisait travailler… il venait de découvrir des personnes !
La quête qui sera faite à la sortie sera envoyé aux Oeuvres Pontificales Missionnaires… une adresse à retenir… les sommes qu’on leur remet sont gérées avec une extrême rigueur.
On peut envoyer de l’argent à une mission qu’on connaît personnellement… mais il y a, dans le monde, quantité de missions qui n’ont pas de relations… et qui ne connaissent pas de paroisses généreuses.
Pour toutes ces paroisses… très pauvres par rapport à notre mode de vie… les Oeuvres Ponti
Publié le 2015-10-16