Aimer le Christ et son Évangile crée des conflits

23ème dimanche du temps ordinaire de l'année C

On vient de lire, dans cet Évangile, qu’on ne peut pas être disciple de Jésus sans le préférer à son père, sa mère et toute sa famille.
Certains me diront peut-être qu’ils avaient entendu une autre version plus radicale de ce passage… et c’est vrai… Si on traduit mot à mot ce passage de Saint Luc, il dit exactement ceci : “Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et soeurs, et même sa propre vie… il ne peut pas être mon disciple.”

Est-ce que cela veut dire que la traduction officielle des missels du Dimanche est infidèle ?
Pas du tout… elle essaye, au contraire, de traduire dans le langage d’aujourd’hui les nuances du langage de l’Evangile.
En araméen, il n’y avait pas les nuances du français d’aujourd’hui… ou plutôt, ces nuances existaient pour ceux qui étaient habitués à ce langage.
On ne disait pas : j’adore… j’aime beaucoup… j’aime bien… j’aime assez … c’est mieux que rien… je n’aime pas trop… je ne supporte pas… je déteste… il n’y avait pas toute cette gamme de nuances !
On disait aimer ou haïr… c’était l’un ou l’autre… mais tout le monde comprenait… ils étaient intelligents !

Vous connaissez l’Evangile où Jésus dit qu’il n’est pas venu apporter la paix mais la guerre… on sait bien qu’il n’est pas venu nous apprendre à haïr… tout ce qu’il a fait, il l’a fait par amour… et il nous apprend à aimer.
Mais aimer comme Jésus nous a aimés… ce n’est pas un amour sans histoires… c’est un amour qui peut entraîner des conflits et des difficultés… parce qu’il oblige à faire des choix.

Et préférer la fidélité à l’Evangile… c’est être prêt à affronter des conflits même avec les êtres les plus chers !
Il ne s’agit, en aucun cas, de chercher le conflit… mais, si des êtres proches deviennent un obstacle à l’Evangile… s’ils nous empêchent d’être fidèles à notre vocation chrétienne… on ne doit pas céder.
On évitera le conflit autant que possible… on fera tout pour expliquer et pour convaincre… mais si on ne peut pas, on ne trahira pas sa foi pour sauver sa tranquillité.

C’est pourquoi la formule est percutante : “Impossible de venir à moi sans haïr son père… sa femme… ses enfants… sa propre vie .”
Jésus ne haïssait personne… et il ne demande pas de haïr, c’est évident !
Mais Jésus ne dit pas qu’il faut avoir une vague préférence pour lui et pour son message… il ne dit pas : “Eventuellement, tâchez d’être fidèles à l’Evangile… si cela ne pose pas trop de problèmes !”

Il nous demande d’être ses disciples… d’être attachés à sa personne sans condition… d’être fidèles à sa parole quel qu’en soit le prix.
“Celui qui m’aime sera fidèle à mes paroles… Celui qui ne m’aime pas n’observera pas mes paroles.” (Jn 14, 23-24)
On ne vit pas dans le drame continuel : être fidèle à l’Evangile, aimer ses frères… est un grand bonheur. Aimer Jésus Christ, c’est une des plus grandes joies… mais cet amour peut aussi être source de conflits.

Ne pensez pas qu’un tel amour soit une étrangeté… les amours très forts sont toujours de cette nature… c’est une chose qui est évidente pour tous les gens à peu près normaux… et pas seulement pour des chrétiens.
Les couples les plus fidèles peuvent connaître des tentations… et parfois la fidélité peut devenir héroïque.
Des parents normaux seraient prêts à tout sacrifier pour sauver leur enfant… et s’ils ne le faisaient pas, ils seraient des monstres… tout le monde le comprend.

Ce que Jésus nous demande, c’est d’aimer Dieu par dessus tout… de l’aimer, lui, le Fils de Dieu, et d’être ses disciples au point de lui donner la priorité quels que soient les conflits que cela peut entraîner… et dans ce monde pécheur il est inévitable que cela entraîne des conflits.

Aimer son Evangile dans ce monde malhonnête, avide et corrompu… considérer que la droiture… le respect de la parole donnée… doit passer avant tout… ce n’est pas facile parce que nous-mêmes ne sommes pas très courageux et pas très désintéressés.

Rappelez-vous la dernière phrase de cet Evangile : “Celui qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut pas être mon disciple.”
Ce renoncement comporte des degrés… le minimum, c’est de renoncer à en faire un mauvais usage.
Mais attention au risque de se faire trop vite une raison… et du coup se dispenser de partager.
Si la parole de Jésus est sans nuances : c’est parce qu’il y a une urgence.
Il y a une vigilance qui n’est pas facultative.

Aimer son Evangile dans ce monde impur et jouisseur… ce n’est pas facile parce que nous mêmes, nous sommes faibles… ce n’est pas facile pour les gens mariés … quand tout le monde vous dit qu’une petite aventure sans conséquence ce n’est pas si grave… que c’est dans les moeurs !
Ce n’est pas facile pour les jeunes de garder cette même pureté tant qu’ils ne sont pas mariés, et d’affronter une certaine incompréhension

Je pense aussi aux vocations sacerdotales ou religieuses.
Il n’est pas facile d’être disciple de Jésus au point de tout quitter pour marcher à sa suite… et lui donner sa vie… ce n’est pas facile parce que c’est vraiment un plongeon dans l’inconnu… un acte de foi radical.
Ceux qui l’ont fait ont l’air heureux… mais, au départ, il faut le faire !
En tout cas, un tel don de soi peut amener des conflits… même dans une famille chrétienne.
C’est particulièrement vrai à notre époque où les enfants sont moins nombreux… et où les parents ont souvent trop de projets pour leurs enfants. Le jour où ces projets s’écroulent… cela peut être très dur.

Même si nous n’avons pas une telle vocation… nous sommes appelés à donner la priorité à l’amour de Dieu… à donner du temps à la prière… à partager… à donner du temps au service des autres… à vivre dans la pureté… la droiture… nous sommes appelés à être fidèles à cet idéal… pas seulement quand il nous attire de la considération… mais aussi dans les cas où il crée des conflits.
C’est cela être disciple de Jésus… et l’aimer par dessus tout.

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