L’intendant inventif

Frères et sœurs, voyant que ses disciples, ayant pêché toute la nuit, n’avaient pas le temps de prier… qu’ils avaient toujours de bonnes excuses pour ne pas évangéliser : des barques à entretenir, des filets à réparer, du poisson à faire sécher… Jésus leur raconta cette parabole :

“Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé parce qu’il gaspillait ses biens. Il le convoqua et lui dit : «Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car désormais tu ne pourras plus gérer mes affaires.»
Le gérant pensa : «Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gérance ? Travailler la terre ? Je n’ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, je trouve des gens pour m’accueillir.»
Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : «Combien dois-tu à mon maître ? — Cent barils d’huile.» Le gérant lui dit : «Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.» Puis il demanda à un autre : «Et toi, combien dois-tu ? Cent sacs de blé.» Le gérant lui dit : «Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris quatre-vingts.»
Ce gérant trompeur, le maître fit son éloge : effectivement, il s’était montré habile. Car les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. (Luc 16,1-8)

Jésus est bien conscient des obligations de ses disciples.
Il voit bien que l’entretien des barques est indispensable si on ne veut pas les perdre… que la réparation des filets est une urgence si on veut pouvoir pêcher le lendemain… et qu’il faut faire sécher les poissons sans attendre qu’ils soient perdus !

Jésus lui-même n’a pas de solution pour concilier ces urgences avec la prière et le service de l’Évangile.
Il n’a pas de solution simple qu’on puisse appliquer dans tous les cas.
La seule réponse est… que ses disciples aient envie de trouver eux-mêmes des solutions, qui seront à chaque fois différentes.

C’est pourquoi il leur donne en exemple un escroc… et cet exemple nous parle encore, parce qu’à toutes les époques, les escrocs ont fait preuve d’une perspicacité et d’une inventivité exceptionnelles.
Jésus admire cette inventivité quotidiennement renouvelée.
Il va de soi qu’il ne fait pas l’éloge de l’escroquerie. Les escrocs font partie des “fils de ce monde” par opposition aux “fils de la lumière” (Luc 16,8), et plus loin (Luc 16,9) il nous met en garde contre l’ “argent trompeur”.
Mais il nous pose une question : “Quels sont les domaines où vous mettez en œuvre votre imagination et votre inventivité ?… Les domaines qui touchent à l’organisation de la vie professionnelle et familiale… ou également à la recherche de Dieu et la fidélité à l’Évangile ?”
Ce qui est étonnant, ce n’est pas notre manque de foi… nous croyons que l’essentiel est l’adoration, l’annonce de l’Évangile, et le service fraternel.
Ce qui est étonnant, c’est notre inconséquence.
«Là où est ton trésor, là sera ton cœur» (Mt. 6,21)… on pourrait dire : «Là où est ton ingéniosité et ton inventivité, là est ton trésor.»

Ceux que l’Évangile appelle «fils de ce monde» ont fait, de la réussite, du pouvoir ou de l’argent, le but de leur vie : ils y consacrent tout leur génie et toute leur compétence, et ils inventent chaque jour des solutions nouvelles.
Jésus souhaiterait que les «fils de lumière», qui connaissent le vrai but de l’existence, le poursuivent avec la même énergie et la même intelligence.

Il est parfois difficile d’être un témoin dans le monde des affaires, ou dans la compétition professionnelle. Celui qui est “trop gentil” risque de se faire éliminer par des gens qui n’ont pas les mêmes scrupules.
Être “gentil” sans se faire éliminer peut sembler impossible… ou si ce n’est pas impossible, cela demande une inventivité extraordinaire.

C’est exactement ce que Jésus nous demande ! Il dit : «Soyez rusés comme des serpents et doux comme des colombes.» (Mt. 10,16).
Il nous demande d’être assez astucieux et imaginatifs pour trouver, au jour le jour, des solutions permettant de faire face aux nécessités quotidiennes, sans sacrifier l’essentiel… de mettre toute la ruse et l’habileté possibles, toute la perspicacité, l’imagination et l’inventivité possibles au service du Règne de Dieu.

Cette parabole est une bonne illustration de la quatrième béatitude :
«Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice (c’est-à-dire, de la perfection ou de la sainteté) ils seront rassasiés.» (Mt. 5,6)
Si on n’a ni faim ni soif de sainteté, on ne cherchera pas de solution.
Si on a faim et soif, on sera quotidiennement inventif.

Frères et sœurs, que le Seigneur vous bénisse, qu’il vous rende inventifs pour trouver le temps de le rencontrer dans la prière… plus que jamais pendant ce temps de vacances… et “pour que votre lumière brille aux yeux des hommes.” (Mt.5,16)

JCP

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