Le sens de la Bible

Frères et sœurs, il semble que certains d’entre vous aient été surpris par quelques allusions à l’histoire ancienne du peuple d’Israël.
Certains ont peut-être envie de me dire que nous sommes des cellules d’évangélisation, et non pas un groupe d’études bibliques, et que je pourrais vous épargner ces sujets.
Le problème, c’est que vous ne pouvez pas évangéliser sans une certaine connaissance de la Bible… et que, si on vous pose des questions, vous ne pouvez pas donner des réponses trop approximatives ou erronées.

Ni les sciences, ni la connaissance de la vérité, ne peuvent être un danger pour la foi. L’exégèse est une des sciences qui veulent nous aider à mieux comprendre le genre littéraire des textes bibliques… c’est-à-dire, à comprendre ce que voulaient dire les hommes inspirés qui les ont écrits.
Toute la Bible est une Parole de Dieu, mais cette parole nous a été communiquée par des hommes, avec un langage humain, et avec les conventions littéraires des hommes de cette époque.

Je suppose que tout votre désir est de comprendre ce que Dieu veut nous dire dans ces textes… et non pas de leur faire dire ce qui vous fait plaisir !
La foi n’est pas autre chose : c’est un désir de croire ce que Dieu nous dit et de le comprendre… elle comporte donc un désir d’objectivité.
Cela suppose qu’on s’efforce de comprendre ce que voulaient dire les hommes inspirés par Dieu… c’est la seule façon d’éviter le subjectivisme.
Ce n’est pas seulement évident, c’est aussi l’enseignement du Concile Vatican II, et bien avant, de Pie XII, en 1943… ce n’est donc pas une nouveauté !

“Tout ce que les auteurs inspirés affirment, doit être tenu pour affirmé par l’Esprit Saint … Mais puisque Dieu, dans la sainte Écriture, a parlé par des hommes, à la manière des hommes … pour découvrir ce que Dieu lui-même a voulu nous dire, il faut rechercher attentivement ce que les auteurs inspirés ont réellement eu l’intention de nous faire comprendre.”
Pour cela : “Il faut … chercher le sens que l’auteur inspiré, en des circonstances déterminées, en fonction des conditions de son temps et de sa culture, a voulu exprimer et a réellement exprimé en ayant recours aux genres littéraires utilisés de son temps.” (Vatican II, Dei Verbum, 1965)
Ce texte a plus de 40 ans, et il ne faisait que résumer ce que Pie XII disait déjà en 1943 (voir l’annexe de cet enseignement).

Nous oublions parfois que la révélation de l’Ancien Testament a été progressive… et que ce long progrès est ce qui a rendu possible le message de l’Évangile. Les prophètes ont donné au peuple d’Israël un sens de Dieu, une pureté morale, une culture et un langage sans lesquels le message de Jésus n’aurait pas été possible.
La révélation d’un Dieu unique et créateur ne s’est précisée qu’au début du premier millénaire avant Jésus.
Pour Elie au 9ème siècle, et surtout pour Isaïe au 8ème siècle, il n’y a pas d’autre Dieu que Yahvé… par la suite, des auteurs inconnus mais immensément inspirés révéleront qu’il est le créateur de l’univers.
L’auteur de Gn.2, et plus tard celui de Gn.1 (au 6ème siècle) comprennent que toute chose tient son existence de la parole créatrice… c’est-à-dire de la volonté toute puissante du Créateur.

Abraham et Moïse sont plus difficiles à situer dans l’histoire (on peut dire, tout au plus, qu’ils appartiennent au 2ème millénaire). Ils n’ont pas remis en cause le polythéisme du monde païen, mais ils ont apporté, sur Dieu, une révélation qui reste l’essentiel de notre foi.
Le Dieu d’Abraham n’est peut-être pas un Dieu unique… mais c’est un Dieu personnel : il a choisi Abraham et il l’a appelé… et Abraham est prêt à tout quitter et à tout donner par amour pour son Dieu.
Le Dieu de l’Évangile est évidemment unique et créateur du monde, mais c’est, avant tout, comme un Dieu proche que Jésus nous le présente : un Père qui aime chacun d’un amour personnel et intense.

Avec Moïse, Yahvé promet d’aimer son peuple choisi d’un amour particulier… et, en retour, il demande à être servi et adoré à l’exclusion des autres dieux. La tendresse de Dieu n’est plus réservée à un homme, mais offerte à tout un peuple.
La loi d’amour, dont Jésus dira qu’elle résume la Loi et les prophètes, appartient à la tradition venue de Moïse.
Voilà les trésors dont héritera le Nouveau Testament : on les retrouve partout dans l’Évangile comme dans les premières paroles du Credo.

Cependant, ce message était associé à des traditions populaires qui prêtaient à Abraham et à Moïse des aventures ou des paroles dont un certain nombre ne relèvent pas de l’histoire telle que nous la concevons.
Ceux qui ont mis par écrit ces traditions, un millénaire plus tard (entre le 7ème et le 5ème siècle) auraient été étonnés de nous voir prendre tout à la lettre. C’est pourquoi le concile Vatican II, comme déjà Pie XII en 1943, nous invitent à essayer de comprendre ce qu’ils voulaient dire.

Que le Seigneur vous bénisse… qu’il vous donne l’amour de sa Parole.

JCP

Pie XII : Encyclique «Divino afflante Spiritu», 30 septembre 1943.

Le pape explique que la tâche d’un exégète (un “interprète”) est :
“de découvrir et d’exposer le véritable sens des livres saints … discerner et préciser le sens des mots bibliques qu’on appelle le sens littéral … pour faire ressortir plus clairement la pensée de l’auteur.”

“L’exégète doit donc s’efforcer avec le plus grand soin, sans rien négliger des lumières fournies par les recherches modernes, de discerner quels furent le caractère particulier de l’écrivain sacré et ses conditions de vie, l’époque à laquelle il a vécu, les sources écrites ou orales qu’il a employées, enfin sa manière d’écrire. Ainsi pourra-t-il mieux connaître qui a été l’auteur inspiré et ce qu’il a voulu exprimer en écrivant.

“Or dans les paroles et les écrits des anciens auteurs orientaux, souvent le sens littéral n’apparaît pas avec autant d’évidence que chez les écrivains de notre temps. … Les anciens Orientaux en effet, pour exprimer ce qu’ils avaient dans l’esprit, n’ont pas toujours usé des formes et des manières de dire dont nous usons aujourd’hui, mais bien plutôt de celles dont l’usage était reçu par les hommes de leur temps et de leur pays. L’exégète ne peut pas déterminer comme à l’avance ce qu’elles furent, il ne le peut que par une étude attentive des littératures anciennes de l’Orient.”
“Il n’est pas rare en effet que … lorsque certains se plaisent à objecter que les auteurs sacrés se sont écartés de la vérité historique ou qu’ils ont rapporté quelque chose avec peu d’exactitude, on constate qu’il s’agit seulement de manières de parler ou de raconter habituelles aux Anciens.”

“Ceux donc qui parmi nous s’adonnent aux études bibliques, doivent soigneusement faire attention à ces points et ne rien négliger de ce qu’ont apporté de nouveau l’archéologie, l’histoire de l’Antiquité et la science des littératures anciennes, ce qui est à même de mieux faire connaître la mentalité des écrivains anciens, leur manière de raisonner, de raconter et d’écrire, leur genre et leur technique.”

“L’exégète catholique, poussé par un amour actif et courageux de la science, sincèrement dévoué à notre Mère de la sainte Église, ne doit, en aucune façon, s’interdire d’aborder sans cesse les questions difficiles qui n’ont pas été résolues jusqu’ici … cela aussi pour satisfaire pleinement aux conclusions certaines des sciences profanes.
Les efforts de ces vaillants ouvriers de la vigne du Seigneur méritent d’être jugés non seulement avec équité et justice, mais encore avec une parfaite charité : que tous les autres fils de l’Église s’en souviennent.”

Pie XII va jusqu’à mettre en garde contre un certain zèle imprudent : “qui croit devoir combattre ou tenir en suspicion tout ce qui est nouveau.”
“Qu’ils n’oublient pas avant tout que, dans les règles et les lois portées par l’Église, il s’agit de la doctrine concernant la foi et la morale, tandis que dans l’immense matière contenue dans les livres saints, livres de la Loi ou livres historiques, sapientiaux ou prophétiques, il y a bien peu de textes dont le sens ait été défini par l’autorité de l’Église.”

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