Faut-il dénoncer le péché ?

C’est une question qui se pose à nous d’une façon constante, dans la mesure où nous avons choisi d’être missionnaires.
Faire découvrir le Christ à des personnes éloignées de la foi et de la morale chrétienne, c’est être confronté au péché.
Mais le fait d’aborder ces personnes avec une attitude missionnaire change beaucoup de choses… notre regard sur elles est différent.
Notre attitude est moins de dénoncer le péché, que de nous demander comment les aider à en sortir… et comment les accompagner sur le chemin de la conversion.
En vérité, toutes les réponses sont dans l’attitude de Jésus.
Lui-même est sans péché, cela va de soi. On peut dire également qu’il n’est jamais et en aucune façon complice du péché.
Il ne cesse de nous appeler à changer de vie : “Convertissez-vous, parce que le règne de Dieu s’est fait proche.” (Mt 3,2)
Cette formule est comme un refrain qui revient constamment dans les premières pages de l’Évangile.
Dieu s’est fait proche, il a fait le premier pas… mais il nous faut répondre à une telle approche en prenant la main qu’il nous tend… et cela nous ne pouvons pas le faire sans une conversion.
Relisez l’appel à la sainteté des “Béatitudes” (Mt 5,3-12)… ou ce passage quelques lignes plus loin :
“Celui qui transgressera un seul de ces plus petits commandements et enseignera aux hommes à faire de même sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux; au contraire, celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux.
Car je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, non, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux.
Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre … Et moi, je vous le dis : quiconque se met en colère contre son frère devra en répondre …” (Mt 5,19-22)
On pourrait citer tout le “Sermon sur la montagne” (Mt Chap. 5 à 7)
Peut-on dire que Jésus dénonce le péché ?
Si on le compare aux docteurs de la Loi, son exigence de sainteté va beaucoup plus loin… mais sa façon de faire est bien différente !
Ils avaient une façon de dénoncer le péché qui consistait à prendre des airs scandalisés… comme si eux-mêmes étaient étrangers au péché !
Ils dénonçaient à la fois le péché et les pécheurs.
Jésus n’est pas un Sauveur qui se tient à distance… à la façon d’un chef qui commanderait de loin, sans prendre de risques.
A aucun moment de sa mission Jésus ne se tient à l’écart des pécheurs.
C’est pourquoi le premier acte de sa mission est un baptême de pénitence au milieu des pécheurs… et le dernier acte est le don de sa vie pour les sauver.
En français courant on dirait qu’il se mouille pour les pécheurs et avec eux… parce qu’il se plonge dans l’eau du Jourdain… mais surtout parce que ce geste a une immense portée : c’est une façon de dire combien il se veut proche d’eux… de dire sa volonté de tout donner pour les sauver.
Les pharisiens se considèrent comme des purs et se tiennent à l’écart.
Ils n’ont aucune intention de sauver les pécheurs… ils estiment qu’ils vont à leur perte… et qu’eux doivent se tenir soigneusement à distance !
Jésus également pense que les pécheurs vont à leur perte… mais il veut tout faire et tout donner pour les sauver.
Je ne suis pas certain que la première attitude nous soit devenue totalement étrangère… ce qui est certain, c’est qu’elle est à l’opposé de la mission d’évangélisation que Jésus confie à ses disciples.
Certains criminels nous font horreur… et la seule chose qui nous vienne à l’esprit, c’est qu’ils doivent être punis, ou, en tout cas, empêchés de nuire.
Il ne nous vient pas toujours à l’esprit de nous demander ce qu’on pourrait faire pour eux… ce qu’on pourrait faire pour les sauver.
Rappelez-vous les prières de Thérèse de Lisieux pour Pranzini : un des grands criminels de son époque. Elle se sentait proche de lui… attitude étonnante, qui est le pur reflet de l’Évangile.
Le Nouveau Testament ne condamne pas toute répression… c’est une des missions de l'État : exercer une “légitime défense de la société”… une protection, par la société, des faibles en face de ceux qui font le mal.
Mais, en même temps, il n’existe pas de pécheur, quel que soit son péché, que Jésus refuse de plaindre… et s’il pleure sur eux, c’est parce qu’ils se détruisent eux-mêmes avant de détruire les autres.
On voit Jésus tout faire pour être proche des pécheurs… il va rencontrer les pécheurs les plus officiels et les plus reconnus… il parle avec eux… il mange avec eux… il ne cesse de leur montrer sa tendresse… sa compassion… sa compréhension… sa bienveillance.
Voilà le Sauveur qui nous est donné… voilà la Bonne Nouvelle qui nous est donnée. Quelle que soit notre histoire et l’histoire de nos faiblesses… il n’existe pas de péché qui nous coupe du Christ… ou qui nous tienne à l’écart de l’amour du Christ.
Parmi nous, ou parmi ceux que nous évangélisons, certains ont un passé lourd à porter. Ils ne s’aiment pas… et ils imaginent que le regard qu’ils ont sur eux-mêmes et sur leurs fautes, correspond au regard que le Christ a sur eux. Ils l’imaginent détournant d’eux son regard !
Nous devons leur faire comprendre que ce sentiment d’être profondément indignes est précisément ce qui peut les ouvrir au pardon du Christ… et que rien ne peut détourner le regard de tendresse que le Christ a sur nous.
JC.P.

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