Pourquoi avoir choisi, dans l’Évangile, un récit de la crucifixion pour la fête du Christ Roi ? (Luc 23,35-43)
A cause de cette inscription que Pilate a fait mettre sur la croix : "Celui-ci est le roi des juifs."… et aussi à cause du caractère paradoxal de ce titre de "Roi" que nous donnons à Jésus.
Par cette inscription, Pilate marque son mépris et son ironie.
Les docteurs de la Loi n’apprécient pas ! Il lui disent : "Tu aurais pu écrire : cet homme a dit : je suis le roi des juifs !" (Jn 19,21)
Mais Pilate refuse de changer la formule, parce qu’il n’est pas mécontent de blesser les juifs, mais aussi parce que, s’il avait écrit : "Cet homme a dit : je suis le roi des juifs", la formule aurait été tout à fait inexacte !
Jésus n’avait jamais rien dit de tel… il n’a jamais dit : "Je suis le roi des juifs."
Jésus a toujours évité une telle formule, trop politisée, qui aurait éveillé l’espérance d’une victoire militaire et d’une domination d’Israël.
En fait, c’est Pilate qui avait posé la question : "Es-tu le roi des juifs ?" (Jn 18,33)
Jésus avait simplement précisé : "Mon royaume n’est pas de ce monde." (Jn 18,36)
Et si son royaume n’est pas du "monde" des hommes… c’est qu’il est du "monde" de Dieu… son règne ou son royaume : c’est le royaume de Dieu !
Prétention que Pilate ne comprend pas très bien… et que les juifs considèrent comme un blasphème.
Il y a un décalage entre l’attente du Peuple d’Israël et la mission de Jésus : ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes !
Beaucoup sont déçus par Jésus : par sa pauvreté, sa simplicité, son respect de toute personne, son amitié pour les pauvres et les pécheurs… et,finalement, par son humiliation et sa mort.
Ils attendaient un Messie puissant et dominateur.
Ils sont déçus et en même temps scandalisés, parce que Jésus a bien la prétention de régner : il laisse entendre que son règne est le règne de Dieu ! Mais là non plus ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes.
Ils ne comprennent pas que le règne de Dieu et sa puissance ne ressemblent pas à ceux des hommes.
Quand un homme détient une grande puissance, c’est, en général, au détriment de la liberté des autres.
Pour Dieu, c’est le contraire : sa puissance est totalement respectueuse des êtres et des personnes, parce que c’est lui qui les tient dans l’existence… et s’il les fait exister ce n’est pas pour les détruire !
Tout le comportement de Jésus est précisément révélateur du règne de Dieu : de sa présence, de sa façon d’agir et de ses sentiments.
Si le Fils de Dieu s’est fait homme, c’est pour être la révélation de Dieu.
Et s’il avait exercé un pouvoir terrestre ou politique, il aurait donné une fausse idée de cette puissance divine respectueuse de tout être… une puissance qui ne détruit pas la liberté, parce que c’est précisément sa puissance qui fait de nous des êtres libres.
Une puissance qui nous appelle à la sainteté… une sainteté qui est un don de Dieu, mais sans jamais nous être imposée… et dont il ne peut nous rassasier que si nous avons "faim et soif de sainteté". (Mt 5,6)
Tel est le Messie et le Roi que l’Église célèbre aujourd’hui : qui, par sa mort sur la croix, établit son règne, et réalise le salut du monde.
Publié le 2004-11-21