Dans cette parabole des vignerons homicides (Mt 21,33-43) Jésus s’adresse aux prêtres du Temple et aux pharisiens qui sont des laïcs religieux et rigoristes.A la différence des publicains et des prostituées mentionnés dans la Parabole des deux fils (Mt 21,28-32), ils se voient dans la catégorie des gens bien, et c’est en partie vrai.
Leur drame, c’est que la plupart ont refusé le message de Jean Baptiste : ils n’ont pas estimé qu’ils avaient à se convertir.
Cet Evangile, comme celui des deux fils, nous fait toucher du doigt un problème qui nous concerne aussi :le fait d’appartenir à une catégorie sociale respectée comporte certains risques au plan spirituel !
La considération des hommes peut être justifiée… mais pas toujours, et jamais totalement ! Et le danger, est de se satisfaire de cette considération !
Les autres nous considèrent comme estimables… et, au fond, cela nous suffit… on finit par les croire… on finit par prendre au sérieux l’image qu’ils peuvent se faire de nous-mêmes… de sorte qu’il peut devenir difficile de nous remettre en cause. Et il est vrai qu’il est plus facile d’être lucides sur nous-mêmes quand notre entourage fait preuve d’un certain esprit critique sur nos comportements !
On pourrait supposer qu’il y a peu de rapports entre le rigorisme des pharisiens et le laxisme des chrétiens d’aujourd’hui,contaminés par la société permissive qui les entoure. En fait, ce que Jésus reprochait aux notables Juifs est très actuel ! Derrière une façade religieuse ils ne valaient pas beaucoup mieux que les autres !
Et, chose plus grave : étant officiellement des hommes religieux, ils avaient beaucoup de mal à se remettre en question.Connaissant par cœur la Loi de Moïse, ils étaient plus habiles à trouver des justifications.
Comme les pharisiens il nous arrive d’être très habiles à construire des petits systèmes qui nous justifient. Et finalement, on s’habitue à vivre sans droiture, sans pureté, sans prière et sans souci des autres.
Le nouveau Peuple auquel Jésus promet le Royaume de Dieu (Mt 21,43) n’est plus une race parmi d’autresqui penserait avoir un certain droit au salut, mais un peuple de Dieu où tout homme a sa place… en particulier tout homme qui accepte de se remettre en question et se reconnaît sans droit devant Dieu.
"Le Royaume sera donné à un peuple qui produira du fruit": fruits de sainteté, de conversion, d’amour fraternel, de vie spirituelle.
Notre appartenance à ce Nouveau Peuple de Dieu est à la fois solide et fragile. Solide du côté de Dieu qui est toujours fidèle, mais fragile par notre capacité de nous mentir à nous-mêmes.
Ce message est exigeant… mais on ne doit pas en conclure qu’un bon chrétien est un chrétien angoissé.L’Evangile nous demande de concilier sainteté et modestie… il nous demande de nous décentrer et de nous appuyer sur le Christ… il est,en cela, une Bonne Nouvelle qui nous libère.
Comme la lettre de Paul aux Philippiens, c’est une invitation à être lucides, et non pas inquiets : "Frères, ne soyez inquiets de rien… en toute circonstance, soyez dans l’action de grâce… priez…et la paix de Dieu qui surpasse tout ce qu’on peut imaginer gardera vos cœurs et votre intelligence dans le Christ Jésus." (Phil 4,6-7)Paix de Dieu qui ne dispense en rien de la fidélité : "Tout ce qui est noble, écrit saint Paul, tout ce qui est juste et pur,tout ce qui s’appelle vertu… mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous." (Phil 4,8-9)
Publié le 2008-10-05