Jésus interroge ses disciples sur ce que les gens disent de lui… en fait, ce qu’il veut leur faire dire, c’est ce qu’ils pensent, eux les disciples. C’est un peu mieux que l’opinion commune, mais ils sont encore loin de ce que Jésus veut leur faire découvrir.
Pierre comprend que Jésus n’est plus un précurseur de l’ère messianique : il est celui qui vient la réaliser : " Tu es le Christ (le Messie). " Pierre a dit vrai, et pourtant Jésus lui demande de se taire. Le problème, c’est qu’il croit savoir ce que doit être le Messie… et là, ce que Jésus lui demande : c’est, surtout, de ne pas en parler ! Jésus ne rejette pas le titre de Messie, mais à condition de préciser (ce qu’il fait tout de suite après) quel genre de Messie il sera.
Les disciples, comme les enfants d’aujourd’hui, rêvaient d’un héros dont ils partageraient la gloire et qui leur donnerait la victoire sur toutes les formes d’oppression.
Jésus accepte d’être reconnu comme le Messie, mais en même temps, il révèle aux disciples son secret sur son véritable rôle de Messie. Son secret est que ce messianisme-là ne comporte pas la prise du pouvoir, mais une destinée terrestre aboutissant à la souffrance, à l’humiliation, au rejet par son Peuple, à la condamnation à mort, et à la Résurrection.
Pour Pierre et les disciples, un Messie humilié par les hommes est impensable : cela ne peut pas être le projet de Dieu.
Pierre se dit que Jésus a des doutes sur son rôle messianique, alors, il le prend à part pour lui expliquer discrètement ce qu’on attend de lui. Et là, Pierre ne joue plus son rôle de disciple : au lieu de marcher derrière, il se met en travers de la route. Jésus le remet à sa place de disciple : "Passe derrière moi." Il dit même : "Passe derrière moi, Satan." Réponse très sévère : Satan est celui qui veut détourner les hommes de leur vocation et de leur mission. Pierre veut détourner Jésus de sa mission.
Après l’annonce de sa Passion, Jésus en tire les conséquences pour ses disciples : il y a trois conditions pour marcher à sa suite.
1) Se renier, s’oublier : il ne s’agit pas de renier sa personnalité en général, mais de renoncer à tout ce qui, dans notre personnalité et notre comportement est incompatible avec l'Évangile, et c’est déjà un vaste programme.
2) Porter sa croix : on ne peut pas être disciple de Jésus si l’on n’est pas disposé à subir des persécutions : petites ou grandes, et parfois, les petites font plus peur que les grandes.
3) "Suivre" Jésus : marcher derrière lui. Ne pas se fabriquer sa petite religion personnelle, mais le suivre, lui, avec fidélité et confiance.
Il ne s’agit pas de gaspiller sa vie. La "vie" ou la personnalité de chacun est un bien trop précieux pour qu’on le gaspille. Mais la bonne façon d’éviter ce gaspillage, c’est d’être disciple et témoin du Christ et de son Évangile, jusqu’au don de soi. Quand personne ne veut plus prendre de temps, ou prendre de risques pour sa foi, il n’y a plus d’Église visible !
Comme Pierre, nous avons compris le secret de sa mission divine. Comme lui, nous pouvons lui dire : "Tu es le Messie."
Nous croyons, mais, en même temps, nous avons du mal à accepter un tel Messie. En cela nous sommes comme les docteurs de la Loi… comme Pierre et les disciples.
Comme Pierre, il nous est difficile de marcher vraiment à sa suite : à avoir, comme l’écrit Saint Jacques, une foi qui agit… à ne pas être des tièdes et prendre dans l'Évangile ce qui nous arrange, en laissant de côté ce qui nous semble exigeant. Comme Pierre, il nous est difficile d’accepter vraiment les trois conditions qui nous permettent d’être des disciples. Nous avons peur que l’Évangile nous aliène, alors qu’il est fait pour nous rendre libres et nous sauver.
Publié le 2009-09-13