Certains se souviennent peut-être de Jacques Duquesne, qui, sans être bibliste ni théologien, avait pris le risque d’écrire une vie de Jésus.
Il conteste l’enseignement de l’Église, qui, à son goût met trop l’accent sur l’aspect sacrificiel de Jésus : "Il est venu sur terre, disait-on, pour s’offrir en sacrifice, pour la rédemption des péchés des hommes … l'Évangile ne dit rien de tout cela… et, à aucun moment, Jésus ne parle de la rémission des péchés. À aucun moment, il ne dit être venu pour mourir. Non : il accepte la mort comme un risque, pas comme un choix."
Jacques Duquesne avait mal lu… puisque l'Évangile de ce jour dit ceci : "Le Fils de l’homme est venu, non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie, rançon pour la multitude." (Mt 20,28)
L’image de la rançon signifie que nous étions esclaves du péché, c’est-à-dire totalement impuissants à nous en libérer par nous-mêmes, et elle signifie que le Christ nous en a libérés, au prix de sa vie.
C’est une image très riche, qui illustre deux points souvent développés dans l'Écriture : la nécessité absolue de la grâce pour être sauvé et le fait que le Christ a donné sa vie pour notre salut.
La passion réalise un projet de Dieu que Jésus a annoncé à de nombreuses reprises avant de l’accomplir : "Le Fils de l’homme doit être livré aux mains des hommes et ils le tueront et le troisième jour il ressuscitera." (Mt 17,22)
Et, aux disciples d’Emmaüs, il dit ceci : "Ne fallait-il pas que le Christ souffrit tout cela pour entrer dans la gloire ?" Et commençant par Moïse et tous les prophètes, il leur expliqua, dans toutes les Écritures, ce qui le concernait." (Lc 24,26-27)
Jésus fait ici allusion à un personnage du livre d’Isaïe, le "Serviteur de Yahvé" : appelé à souffrir et donner sa vie pour le péché de la multitude (c’est-à-dire, de tous les hommes). C’est la première lecture de ce dimanche : "Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur … il fait de sa vie un sacrifice d’expiation. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés." (Is. 53,10-12)
L’Eucharistie rend présents le "corps livré" et le "sang versé" de Jésus : elle rend présent le sacrifice de la "Nouvelle Alliance" pour que nous puissions y communier.
Ce n’est pas l’invention d’une Église qui aurait trahi le message du Christ, ce sont ses paroles, lors de son dernier repas : "Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance répandu pour une multitude en rémission des péchés." (Mt 26,28)
La mort de Jésus est donc un sacrifice, offert pour le pardon des péchés, et l’Eucharistie permet à ses disciples de communier à ce sacrifice.
L’Eucharistie n’est pas un nouveau sacrifice, c’est notre communion à l’unique sacrifice qui sauve le monde. L’Eucharistie, c’est l’Église qui célèbre le sacrifice du Christ, pour que les hommes y communient.
En communiant, on ne reçoit pas le "petit Jésus" (comme on le disait parfois aux enfants), on reçoit le Christ "hostie", ce qui veut dire "victime offerte". Si le Christ a voulu un tel sacrifice, c’est parce que le péché est grave : il fait obstacle à la filiation adoptive pour laquelle Dieu nous a faits.
C’est pourquoi saint Paul, et après lui, toute la Tradition de l’Église, dit qu’en recevant le corps du Christ, on devient le corps du Christ. Notre communion à son sacrifice, en guérissant la blessure du péché, nous fait communier à sa filiation divine.
Publié le 2009-10-18