Cet Évangile a trois formules parallèles qui se terminent par une sorte de refrain : "Celui qui ne fait pas telle chose … ne peut pas être mon disciple." Jésus énonce trois conditions pour être son disciple : Haïr ses proches. Porter sa croix. Renoncer à tous ses biens.
Première condition : "Haïr son père, sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et sœurs, et même sa propre vie."
En fait, la traduction qu’on a lue ne disait pas "haïr", mais : "Celui qui n’accepte pas de me préférer à son père, sa mère …"
La Bible n’avait pas de comparatif, mais les gens savaient quand il fallait comprendre une formule catégorique comme un comparatif.
C’est ainsi que l'Évangile de Matthieu comprend ce message : "Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi."
Tout le monde savait qu’il ne faut pas haïr ses parents : on connaissait le commandement de Dieu qui demande de les aimer !
De même pour les époux : Dieu ne leur demande pas de se haïr, mais de s’aimer : "L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils ne feront qu’un."
Mais alors, que veut dire Jésus ?
Il faut aimer ses proches, mais jamais d’un amour qui soit un obstacle à l’amour de Dieu et à la fidélité à l'Évangile. Ce serait mal les aimer !
Et être prêt à cela, c’est être prêt à porter sa croix : c’est la deuxième condition. La vie chrétienne est faite de grandes joies, mais si on exclut de porter la croix, on ne peut pas être disciple du Christ !
Troisième condition : renoncer à tous ses biens.
Il ne s’agit pas d’une obligation pour tout chrétien de faire un vœu de pauvreté monastique : l'Église ne l’a pas compris ainsi, ni Jésus qui fréquentait les publicains, ni saint Paul qui avait des amis fortunés.
Haïr ses parents et renoncer à ses biens : ce sont formules abruptes qui expriment une priorité absolue. Ne rien préférer au Christ, pas même les êtres les plus proches, et moins encore l’argent ou n’importe quel bien.
C’est une exigence de droiture parfaire, de refus de toute compromission, de toute fraude ou de toute corruption. Ce qui peut être crucifiant et parfois entraîner des pertes considérables.
Il y a une façon radicale de mettre en pratique cet Évangile, c’est la vie religieuse et le vœu de pauvreté : c’est la façon la plus parfaite.
Mais ce message s’adresse aussi à ceux qui ont une vie professionnelle et familiale. Quelles que soient nos ressources, il nous est demandé de ne pas être esclaves de l’argent ou des choses.
Ce n’est pas facile : c’est une vraie conversion. C’est pourquoi Jésus a voulu le caractère abrupt de ce passage : il veut réveiller notre tiédeur.
S’il fallait faire quelque chose de mal pour éviter la ruine : s’il fallait faire une malhonnêteté… une calomnie… une injustice… faire une faute grave… Alors, qu’est-ce qu’on choisirait ? L’argent ou la fidélité ?
Jusqu’où est-on prêt à aller pour rester fidèle à l'Évangile ?
Jésus nous invite à y penser à l’avance : comme l’homme qui calcule sa dépense ou comme le roi qui prépare une expédition.
Dans le mariage on se promet amour et fidélité, et il peut arriver que cette fidélité soit héroïque.
En adhérant à la foi, on promet amour et fidélité au Christ et à son Évangile, et il se peut aussi que cette fidélité soit héroïque.
D’autant plus qu’il attend de nous un amour qui dépasse tout amour humain ; en fait, il veut être aimé comme Dieu !
Il cite souvent cette parole du Deutéronome : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et par dessus tout."
En réalité, c’est un tel amour que Jésus attend de nous, c’est pourquoi il dit : "Celui qui vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et sœurs, et même sa propre vie, ne peut pas être mon disciple."
Pour rendre la force d’une telle parole il faudrait traduire : "Celui qui n’accepte pas de me donner une préférence absolue, ne peut pas être mon disciple." C’est comme s’il disait : "Être mon disciple, c’est m’aimer de tout son cœur, de toute son âme et par dessus tout … comme Dieu!"
Publié le 2010-09-05