On ne sait pas toujours comment parler de nos frères séparés de l’Église, ni comment leur parler, en évitant la langue de bois.
Que dit le concile Vatican II, dans son décret sur l’œcuménisme ? Il dit qu’à l’origine, il n’y avait qu’une Église, instituée par Jésus et confiée à Pierre et aux Apôtres : "Dans cette seule et unique Église de Dieu il y eut, dès l’origine, un certain nombre de scissions … et des communautés entières se sont séparées de la pleine communion avec l’Église catholique … ils restent pourtant dans une certaine communion avec l’Église catholique … même si c’est une communion imparfaite … ce sont des frères dans le Seigneur."
Le concile veut dire, par là, que des communautés, au cours de l’histoire se sont séparées de l’Église, mais que les catholiques sont l’Église fondée à l’origine. Ils n’ont pas quitté l’Église, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas eu de torts, et le pape Jean Paul II, à plusieurs reprises, a demandé pardon pour les fautes commises dans l’Église. Mais, quelles que soient les responsabilités, le concile dit l’urgence de nous comporter comme des frères : le contraire serait un manque de charité.
Ce texte dit aussi que l’appartenance à l’Église peut comporter des degrés : nos frères séparés sont l’Église, mais partiellement. Ils se sont séparés dans la mesure où ils rejettent certains aspects importants de l’Église : de ses Sacrements, de sa foi et de son unité.
Mais dans ce qu’ils gardent de l’Église, il faut affirmer qu’ils sont l’Église.
On peut dire qu’ils sont l’Église pour autant qu’ils veulent être ce qu’est l’Église, et croire ce que croit l’Église.
Les églises séparées ne sont pas une sorte d’Église invisible. L’Église, c’est ce qui rend visible ou perceptible le message et l’agir du Christ. Si l’Église est invisible, la notion d’Église n’a plus de sens.
Quand ils baptisent, ils sont l’Église qui baptise : leur Baptême n’est pas un autre Baptême que celui de l’Église. Quand ils transmettent l’Évangile, ils sont l’Église qui enseigne. Quand ils sont au service des plus pauvres, ils sont l’Église qui témoigne de l’amour et de la présence du Christ. Les chrétiens séparés ne sont pas une Église invisible : ils sont l’Église visible, même si c’est d’une façon partielle.
On trouve cela chez saint Augustin, au début du cinquième siècle : "Il y a une seule Église … elle seule s’appelle catholique … même dans les communions séparées … c’est elle qui fait renaître (pour la vie éternelle). C’est elle qui enfante des fils (par le Baptême) dans toutes les communautés séparées." (Sur le Baptême, I, 10, 14). Quand on connaît le rigorisme des Pères de l’Église, et de saint Augustin en particulier, sur ce sujet, il est remarquable qu’il ait reconnu une certaine appartenance à l’Église des chrétiens séparés.
D’autres, à l’inverse, écrit saint Augustin, sont catholiques, mais n’appartiennent pas vraiment à l’Église : "Il y a aussi ceux qui viennent aux assemblées … et semblent appartenir à l’unité … et que leur vie détestable sépare de cette unité."
Les catholiques sont l’Église visible, au niveau institutionnel, du fait qu’ils ne se sont pas séparés de l’Église instituée par le Christ, mais ils ne rendent pas toujours l’Église visible ni attirante. Il arrive que leur infidélité à la foi de l’Église ou à sa morale, leur manque d’amour et de rayonnement soit un contre témoignage.
Il arrive aussi que des chrétiens séparés fassent rayonner l’Église du Christ, par leur sainteté personnelle, mieux que certains catholiques.
Certains penseront peut-être qu’il sera difficile de faire de l’œcuménisme sur de telles bases. Il est vrai que l’œcuménisme est une entreprise difficile, mais ce décret conciliaire nous rappelle que si on veut travailler à l’unité sur d’autres bases, en faisant comme si les problèmes n’existaient pas, on fait fausse route.
Pour chacun de nous, travailler à l’unité, c’est demander pardon et se convertir, afin de montrer le vrai visage de l’Église, corps du Christ, et donner envie à tout homme qui s’en est éloigné, de revenir dans son unité.
Publié le 2012-01-22