On voit, dans cet Évangile, comment Jésus apprend à ses disciples ce qu’on peut appeler le discernement : il leur apprend à avoir un regard critique sur les comportements de leurs contemporains.
Pas seulement sur les mœurs des Grecs ou des Romains qui étaient particulièrement corrompus… mais aussi sur les Juifs religieux qui, en observant toutes sortes d’interdits, se croyaient à l’abri du péché.
Cette lucidité était déjà celle des prophètes de l’Ancien Testament : on le voit dès les premières lignes du livre d’Isaïe :
"Je n’ai rien à faire de vos sacrifices innombrables, dit Yahvé. Je suis dégoûté des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux ; je ne supporte pas le sang des taureaux, des agneaux et des boucs." (Is. 1,11)
Et il ajoute : "Apprenez d’abord à faire le bien ! Pratiquez la justice ! Faites droit à l’orphelin, prenez la défense de la veuve." (Is. 1,11)
Observer des rites, ce n’est pas trop difficile… pratiquer l’amour et la justice, c’est plus difficile.
Quant à nous, nous voyons bien l’inconséquence des Pharisiens d’autrefois : c’est si loin… nous avons tout le recul nécessaire.
Nous ne manquons pas, non plus, de lucidité quand il s’agit de critiquer les travers des chrétiens du siècle dernier : leurs scrupules déraisonnables pour s’abstenir de viande le vendredi ou se confesser avant chaque communion. Chaque époque a connu ses modes et ses excès.
La difficulté, c’est le discernement sur notre époque : reconnaître en quoi nos comportements actuels s’écartent de l’Évangile.
Dans une société où presque tout est permis, il est difficile pour les chrétiens de ne pas se laisser contaminer.
Ce que Jésus reproche à ses contemporains, c’est d’avoir multiplié des interdits qui n’avaient plus de rapport avec l’amour et le service de Dieu, et avec l’amour du prochain.
On pourrait croire que notre époque a entendu le message : l’amour est devenu un thème de prédilection. En fait, on a sombré dans une perversion bien plus grave : on suppose que tout est permis à celui qui aime.
Ce n’est pas la conception de l’amour que l’on trouve dans l’Évangile.
L’amour que Jésus demande à ses disciples est exigeant. Il nous dit, ici, très explicitement, ce que s’interdit celui qui prétend aimer : "Inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil, démesure … voilà ce qui rend l’homme impur."
Voilà quelques critères de discernement qui peuvent nous aider à voir clair sur les déviations de notre époque.
Le vol est généralement mal vu, mais l’inconduite, même dans des familles chrétiennes, est tolérée : on n’ose plus dire que le concubinage ou la cohabitation sont répréhensibles. Il est également mal vu de rappeler qu’un remariage après un divorce est un adultère (Mt 5,32). Personne n’aime la méchanceté, mais beaucoup pratiquent la fraude. L’homosexualité est devenue un sujet tabou : personne n’ose la qualifier de débauche. Le meurtre est pratiqué à grande échelle avec les enfants à naître.
"Voilà ce qui rend l’homme impur" : voilà ce qui le sépare de Dieu. Parce qu’il nous aime, Jésus veut nous mettre en garde et nous ouvrir les yeux.
Publié le 2012-09-02