"Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et il va vous sauver." (Is. 35,4)
Ce texte d’Isaïe nous étonne et nous choque, parce que nous le comparons à l’Évangile. Nous avons raison de préférer l’Évangile… mais nous oublions qu’il a fallu beaucoup de temps pour en arriver là. Avant Jésus, il y a eu un long progrès de la révélation.
Ce passage du livre d’Isaïe a été écrit au VIe siècle avant Jésus Christ. Les prophètes de cette époque n’avaient pas tout compris. La révélation s’est faite progressivement. Le message de Jésus est si riche et si profond qu’il demandait une longue préparation.
Et pourtant, même si elle n’a pas la perfection de l’Évangile, cette parole d’Isaïe, si longtemps avant Jésus, n’est pas sans mérite.
Elle a été écrite à une époque où les Juifs n’avaient pas le moral : ils avaient été déportés à Babylone, et la "revanche de Dieu", annoncée par le prophète, ne fera de mal à personne ; elle consistera à sauver son peuple, à le ramener de Babylone dans la terre promise : "Voici la revanche de Dieu. Il vient lui-même et il va vous sauver."
Il y a là un acte de foi extraordinaire dans la présence de Dieu : "Il vient lui-même" ; et un acte de foi dans sa puissance et dans son amour : "Il va vous sauver." Pour illustrer ce que réalise la puissance et la tendresse de Dieu, il ajoute : "Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds … et la bouche du muet criera de joie." (Is. 35,5-6)
Dans ce passage du livre d’Isaïe, c’est Dieu qui a le pouvoir de guérir les sourds et les muets.
Pourquoi ce texte a-t-il été choisi comme première lecture, avant l’Évangile de la guérison du sourd-muet ?
Parce que saint Marc, comme tous les auteurs du Nouveau Testament, utilise sans arrêt des passages de l’Ancien Testament pour les appliquer à Jésus : des textes qui parlaient de Dieu (de Yahvé), pour les appliquer à Jésus.
C’était une façon de nous dire que les actions de Jésus sont des actions divines, que les sentiments de Jésus et son amour pour les hommes sont le reflet exact des sentiments de Dieu. On retrouve ce procédé littéraire presque à chaque page du Nouveau Testament : il consiste à faire une réinterprétation des textes anciens pour mieux révéler le mystère du Christ.
Dans le livre d’Isaïe c’est Dieu qui devait ouvrir les yeux des aveugles et les oreilles des sourds … et c’est Jésus qui le fait. En racontant ce miracle, saint Marc pense à ce passage d’Isaïe qu’il connaît par cœur.
Et il ajoute : "Très vivement frappés, ils disaient : Tout ce qu’il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets." (Marc 7,37)
Pourquoi les gens sont-ils tellement frappés ? Parce qu’eux-aussi connaissent ce passage d’Isaïe, et, comme les disciples après la tempête apaisée, ils se demandent : "Qui est cet homme ?"
Isaïe disait : "C’est Dieu … qui vient lui-même et qui va vous sauver."
Saint Marc, en multipliant, dans ce récit, les allusions à ce passage du livre d’Isaïe, veut nous laisser entendre que Jésus, c’est Dieu parmi nous. Il veut nous dire que son pouvoir de guérir est un pouvoir divin, et que sa tendresse pour les hommes est une tendresse divine.
Publié le 2012-09-09