Quand saint Jean parle des miracles de Jésus, il les appelle des "signes". Cette formule est particulièrement heureuse : elle exprime la raison d’être des miracles. De tels signes, que l’on trouve déjà dans l’Ancien Testament, mais surtout dans la vie de Jésus, sont indissociables de la foi.
Il faut noter que la foi intervient avant et après le miracle : elle est, à la fois, une condition et une conséquence du miracle, ce qui signifie que la foi comporte des degrés. Un père, qui demande la guérison de son fils, dit à Jésus : "Je crois, Seigneur ; fais grandir en moi la foi." (Marc 9,24)
Dans le livre des Rois, le prophète Élie guérit un enfant, et sa mère lui dit : "Maintenant, je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la Parole de Dieu est véridique." (I Rois 17,24). Cette guérison est le signe ou le garant de l’inspiration divine du prophète, et désormais cette femme a foi en son message : elle croit que sa parole est une Parole de Dieu.
Dans l’Évangile de Luc, la guérison d’un paralytique est le signe et le garant du pouvoir de Jésus de pardonner les péchés. Quand il dit au paralytique : "Tes péchés sont pardonnés" (Luc 5,20), les docteurs de la Loi considèrent cette parole comme un blasphème : ils estiment avec raison que Dieu seul peut pardonner les péchés (Luc 5,21). Jésus leur dit : "Eh bien ! pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, je te l’ordonne, dit-il au paralysé, lève-toi, prends ta civière et rentre chez toi." (Luc 5,24) On peut supposer que les docteurs de la Loi sont troublés et que les disciples découvrent peu à peu le mystère de sa condition divine.
Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus, comme autrefois le prophète Élie, ressuscite un mort. La foule de ceux qui deviendront bientôt ses disciples croit en lui ; ils disent : "Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple."
Quand Jésus demandera à ses disciples ce que le peuple dit de lui, ils répondent : "Élie … ou l’un des prophètes." Cette réponse ne manquait pas de pertinence : l’opinion populaire voyait en Jésus un prophète particulièrement proche de Dieu. C’était déjà un acte de foi, mais la foi de Pierre marque un progrès. Jésus demande aux Douze : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?" Pierre répond : "Tu est le Christ (c’est-à-dire le Messie) le Fils du Dieu vivant." Une telle foi est vraiment une inspiration divine. Jésus lui dit : "Ce n’est pas la chair et le sang (la nature humaine) qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les Cieux." (Mt 16,14-17). Cependant, cette foi est encore très imparfaite : quelques instants plus tard, Pierre ne veut pas entendre parler des souffrances et de la mort du Messie, et Jésus lui dit : "Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes." (Mt 16,23)
Il y a donc bien des degrés dans la foi. Nous croyons que Jésus est le Fils de Dieu, que sa parole est une Parole de Dieu, et nous croyons qu’il a le pouvoir de pardonner les péchés. Pourtant notre foi, ou notre confiance en lui, reste souvent imparfaite. Nous faisons des projets et nous le prions pour qu’ils aboutissent. Une telle prière est un acte de foi, mais une foi encore imparfaite ; elle revient à dire : "Que ma volonté soit faite".
La prière parfaite est celle du "Notre Père" : "Que ta volonté soit faite." Celui qui met totalement sa confiance dans le Seigneur et croit que sa volonté est ce qu’il y a de meilleur, celui qui accepte sans réserve de se laisser conduire, peut entrer véritablement dans la paix promise à ses disciples : "Je vous laisse la paix ; c’est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble pas." (Jn 14,27)
Publié le 2013-06-09