Elie part pour Sarepta… au Sud Liban… entre Tyr et Sidon.
Il avait quitté le royaume d’Israël, après avoir annoncé une famine au roi Achab.
En arrivant, il rencontre une veuve… très pauvre… en ce temps-là, il n’y avait pas de sécurité sociale… rien n’était plus précaire que la situation d’une veuve… surtout pendant une famine.
Elle ramasse des brindilles pour faire cuire un dernier plat avant de se laisser mourir… c’est la misère… et pourtant elle a quelque chose que le Prophète n’a pas… elle a une cruche !
Elie lui dit : «Avec ta cruche, puise un peu d’eau pour que je boive.»
Il est probable que personne ne lui donnait rien… et pire encore : personne ne lui demandait jamais rien… et voilà que le prophète lui demande à boire… et ça elle peut le faire… elle lui donne à boire.
Le Prophète Elie boit dans la cruche… il a très soif… cela prend du temps… elle attend. Entre deux gorgées, il lui dit : «Bon, maintenant, tu vas aussi m’apporter un morceau de pain.»
Mais là, elle réagit… elle se dit que cet étranger ne réalise pas la situation … il débarque à peine… et il n’a aucun sens des réalités !
«Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu (elle voit bien qu’Elie est un prophète), je n’ai pas de pain. Tout ce que j’ai, c’est une poignée de farine et un fond de bouteille d’huile. Tu vois, je ramasse deux bouts de bois, je vais préparer ça pour mon fils et pour moi, et ensuite nous mourrons.»
«Eh bien, tu vois, lui dit Elie, tu as ce qu’il faut… l’optimisme d’Elie, c’était quelque chose !… alors, fais comme tu as dit… prépare ton feu… mais d’abord donne-moi un petit pain.»
Et elle l’a fait !… elle a donné tout ce qu’elle avait… le Prophète Elie n’avait pas de maison… elle, elle avait une maison… elle a reçu Elie… elle a partagé sa farine et son huile… et la poignée de farine, au fond du pot, est devenue inépuisable… et on n’arrivait plus à vider le fond de la bouteille d’huile… il n’y en avait jamais beaucoup, mais il y en avait toujours.
Elie aurait pu s’arrêter chez quelqu’un qui avait un peu plus de ressources.
Il est allé chez quelqu’un qui ne savait pas ce qu’est le superflu.
Il est vrai que nous avons du mal à imaginer ce que peut signifier : partager le nécessaire… nous qui avons une existence tellement encombrée par le superflu.
Le livre des Rois nous dit que c’est Yahvé qui avait envoyé son Prophète chez cette femme du pays de Sidon.
Supposez qu’un personnage ait demandé une étude sur la situation du Moyen Orient à l’époque du roi Achab… Personne ne lui aurait parlé de cette veuve qui vivait au bord de la mer, à Sarepta, avec son fils… c’étaient des personnages totalement insignifiants !
Mais le regard de Dieu n’est pas celui des hommes… il demande à Elie de traverser la Samarie, de partir vers le Nord… vers un village perdu … vers cette femme… que Dieu, lui, avait repérée !
Une femme totalement insignifiante au regard des hommes… ce qui avait d’ailleurs un avantage… c’est qu’Elie passera inaperçu pendant trois ans, alors que le roi Achab le faisait rechercher partout !
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Et le regard de Jésus, dans l’Évangile, c’est le regard de Dieu… c’est pour cela que le Fils de Dieu s’est fait homme… nous les hommes, nous avons du mal à imaginer ce qui est important pour Dieu… Eh bien, tout le comportement de Jésus nous révèle les vrais sentiments de Dieu.
On le voyait, il y a quinze jours, avec l’aveugle de Jéricho : Bar Timée… c’est lui qui était aveugle… mais ce sont les gens de Jéricho qui ne voyaient rien… ils ne voyaient pas Bar Thimée… comme s’il avait été transparent !
Mais quand Jésus s’arrête… quand il l’appelle… les gens réalisent qu’après tout, cet aveugle existait… il méritait qu’on s’arrête pour lui !
Avec l’Evangile d’aujourd’hui, on est dans le Temple de Jérusalem… les disciples, qui sont des provinciaux, sont éblouis… ils sont devant la salle du trésor : là où on fait les offrandes pour le Temple !
Des Juifs, venus en pèlerinage de tous les coins de l’empire romain, remettent des sommes qui les laissent pantois… les disciples ne sont pas des misérables : ce sont des artisans pécheurs (petites entreprises)… ils savent compter… mais quand ils voient les sommes que mettent les pèlerins qui ont réussi dans les affaires, ils les regardent arriver… ils comptent l’argent… ils les regardent repartir… ils n’en reviennent pas !
Et Jésus qui les surveille depuis un moment, leur dit : «Vous avez vu la veuve ?»… Mais, les disciples tombent des nues… personne ne l’a vue !
Et pourtant elle est là, sous leur nez… en regardant bien, il finissent par la voir !
«Vous avez vu ce qu’elle a mis dans le trésor, dit Jésus… Elle a mis plus que tout le monde ! »
À ce moment là on peut supposer qu’ils regardent Jésus d’un drôle d’air… ils se disent : «Où veut-il encore en venir ?»
Ils savaient qu’avec Jésus, il fallait s’attendre à tout !
Pour eux, jusque là, la veuve était insignifiante… elle était transparente… elle était inexistante !
Eux, ils voyaient ce qui éblouit… et, comme chacun sait, quand on est ébloui, il y a des tas de choses qu’on ne voit plus !
Jésus, lui, ne se laisse pas éblouir… ce qu’il regarde, c’est la qualité du coeur.
Cet Evangile veut nous apprendre à partager… et aussi à regarder.
La veuve de l’Évangile, comme celle de Sarepta au temps du prophète Elie, sont des femmes qui partagent… non pas leur superflu… parce qu’elles n’ont pas de superflu !
Cela ne veut pas dire que Jésus condamne ceux qui donnent de leur superflu… ce qu’ils font, c’est bien… il y a des tas de gens qui ont du superflu et qui ne le partagent pas !
Vous savez que la loi française fait une déduction fiscale de 60 % sur les dons à concurrence de 20 % des revenus… eh bien le moins qu’on puisse faire, c’est de faire des dons correspondant au moins à ces 20 %… je dis ça en particulier pour les retraités.
Les missions chrétiennes dans le monde en ont vraiment besoin !
Mais revenons à cet Évangile : Jésus parle des pauvres… mais pas seulement pour nous apprendre à partager avec eux.
Chose étonnante, il nous fait découvrir des pauvres qui partagent… il nous invite à les voir… à ouvrir nos yeux !
Il veut nous apprendre à partager… et pour cela, il veut d’abord nous apprendre à regarder !
Il nous arrive de côtoyer des gens pendant des années sans trop faire attention à eux… ils font partie du paysage… et un jour on se dit : «Au fait il ou elle… est toujours disponible… plein ou pleine de zèle au service de l’Evangile… modeste… généreux… attentif à ceux qui ont besoin d’être aimés… après tout c’est peut-être un saint ou une sainte.»
On vient de fêter tous les Saints… il serait bon d’ouvrir les yeux… et de reconnaître ceux qui nous côtoient tous les jours.
Et vous verrez que ces gens là ont un point commun avec Jésus… ils savent regarder… ils ont ce regard qui ne méprise personne… un regard qui ne s’intéresse pas à l’extérieur, mais aux qualités du coeur.
Publié le 2020-11-07