Une parabole sur les sentiments de Dieu

4ème dimanche de Carême de l'année C

Beaucoup de paraboles parlent de Dieu, mais toutes ne sont pas des paraboles sur Dieu. Vous connaissez l’histoire de la veuve qui demandait justice… ce n’est pas une parabole sur Dieu… c’est une parabole sur la prière… sur la persévérance dans la prière.
En représentant Dieu comme un juge paresseux et sans scrupule, Jésus nous fait bien comprendre que ce n’est pas une parabole sur Dieu.

En fait, pour comprendre les paraboles, il faut se souvenir que chacune d’elles comporte un seul message… et quand une parabole nous semble obscure, c’est généralement parce que nous cherchons plusieurs messages… nous cherchons un sens à chaque détail.
L’Evangile d’aujourd’hui fait un peu exception parce qu’il comporte, en fait, deux paraboles… et pour les comprendre, il faut bien les séparer.
Pour bien voir la portée de la première, il faut oublier l’histoire du 2° fils, et s’arrêter au milieu : sur la joie du père qui retrouve son fils.

Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est le pardon du fils prodigue.
Comme l’histoire de la brebis perdue, c’est vraiment une parabole sur Dieu : sur les dispositions de Dieu à l’égard des pécheurs… sur les sentiments de Dieu à notre égard.

Pour nous faire comprendre ces dispositions, Jésus imagine une histoire qui n’a rien de vraisemblable… imaginons la situation dans nos familles… supposons qu’un garçon de 18 ans dise à son père :
«Bonjour papa… j’ai pensé que tu allais mourir un jour… alors, je voudrais te parler au sujet de l’héritage… voilà ! j’ai bien réfléchi, je suis majeur, et je n’ai pas très envie d’attendre… en fait, j’aimerais avoir l’argent tout de suite… parce que là, je dois partir.
Mais je te rassure : je veux seulement la part à laquelle j’ai droit… pour la part de mon frère, tu verras avec lui.»

Vous imaginez la réaction à notre époque… Alors, dans le monde ancien, le fils se serait fait tuer !
Mais dans la parabole de Jésus, pas du tout… le père écoute tranquillement, sans se fâcher… il ne pose pas de question… il ne donne même pas de conseil… il vend la moitié de ses terres et de ses troupeaux… et il donne l’argent à son fils.
Quant au fils, il prend l’argent, et il part sans dire merci.

Pourquoi Jésus imagine une histoire aussi peu éducative ? Vous devinez que ce n’est pas une parabole sur l’éducation des enfants !
Mais pourquoi l’attitude du père est-elle aussi peu crédible ?
C’est justement parce qu’elle représente l’attitude de Dieu… Dieu n’est pas comme les hommes : il ne met aucune entrave à notre liberté.
Il fait de nous des êtres libres… il nous donne ses commandements… il nous demande de faire le bien… mais, si on décide de faire le mal, il nous laisse totalement libres.

C’est pourquoi Jésus imagine un père qui ne met aucun obstacle à la liberté de son fils.
N’en concluons pas que le péché serait indifférent à Dieu.
Tout péché est une offense à Dieu.
Et Jésus insiste sur la gravité de cette offense : il multiplie les détails qui font de ce fils est un monstre d’ingratitude et d’égoïsme.

On entend parfois des parents se plaindre du manque d’amour de leurs enfants, de leur manque de reconnaissance… et souvent, ils ont raison.
Mais notre attitude, à tous, vis à vis de Dieu, n’est pas très différente : il nous a tout donné… et on trouve ça normal… on ne croit pas utile de le remercier… et on ne pense pas souvent à lui demander pardon.

Et Dieu, lui, est comme le père de la parabole… il attend le retour de son enfant… son seul désir est de pardonner… il aime pardonner.
Si Dieu n’est pas indifférent au péché, c’est parce qu’il nous aime… et parce que l’homme se détruit lui-même par le péché.
Dieu nous fait exister pour que nous soyons ses enfants… et par le péché nous détruisons cette vie d’enfant de Dieu.

On peut dire qu’il nous supplie de ne pas gâcher notre existence.
C’est saint Paul qui le dit : « Au nom du Christ, nous vous en supplions : laissez-vous réconcilier avec Dieu.»

Dans cette parabole, jour après jour, le père guette le retour de son fils… cela représente l’attente de Dieu : il veut pardonner… il est prêt à pardonner à tout instant.
Mais il ne peut pas nous pardonner malgré nous.
Il pardonne dès que c’est possible : dès que son fils ingrat et superficiel arrête de s’obstiner dans le mal… quand il redevient lucide sur lui-même et qu’il accepte de se reconnaître pécheur.
Jésus veut dire que la seule condition du pardon de Dieu, c’est notre désir d’être pardonné… Comment imaginer plus de bienveillance ?

La parabole est l’histoire d’un Juif, fils d’une famille aisée, obligé de garder les porcs… animaux impurs… et, en plus, il meurt de faim, et il voudrait plonger la tête avec eux dans leur mangeoire !
C’est là qu’il prend conscience de ce qu’il est devenu… il décide de demander pardon… et il prépare un petit discours qu’il se répète sur la route : « Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être ton fils, mais prends-moi comme serviteur.»
Mais son père ne le laisse pas finir… il lui coupe la parole… et il le reprend, non pas comme serviteur… mais comme fils.

La joie du père est la même que la joie du berger dans la parabole de la brebis perdue… et là, Jésus parle de la Joie dans le Ciel.
Le Ciel, c’est Dieu… il veut parler de la Joie de Dieu… il est notre Père, et il ne refuse jamais de pardonner… Quand un pécheur tombe à ses pieds, son bonheur, c’est de pardonner.

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