Le Notre Père et le récit de la Passion

Vendredi Saint de l'année A

Le récit de la Passion est un des premiers textes du Nouveau Testament qui ait été mis par écrit par les évangélistes.
Il comporte de nombreuses paroles de Jésus qui ont ceci de particulier : que ce ne sont pas des discours… mais ses réactions et ses réponses dans ces moments où il était condamné, humilié et abandonné de tous.

Chose remarquable : presque toutes les paroles du “Notre Père” correspondent à des paroles qu’il a prononcées ce jour là.
Dans la prière du Seigneur et dans le récit de la Passion : on retrouve les mêmes paroles et les mêmes enseignements.
Vous penserez peut-être que cela va sans dire… puisque c’est le même Jésus qui nous a donné cette prière et qui a souffert la Passion.
En fait, ce n’est pas si évident… et on s’est aperçu que ces thèmes était peu développés dans le reste de l’Evangile (en dehors de l’Evangile de Saint Jean).

Le comportement de Jésus au long de la Passion est donc le reflet de sa façon de prier… et de la façon dont il nous demande de prier.
Ce qui semble indiquer qu’il y a, pour nous aussi, une relation entre la prière et le comportement… entre notre prière et notre activité au service du Christ… et aussi — puisqu’il s’agit de la Passion — entre notre prière et notre façon de faire face aux difficultés.
Ce qui semble naturel… puisque la prière c’est notre relation avec Dieu … et il est évident que la qualité de cette relation conditionne notre comportement avec notre entourage.
Il est certain également que si nous vivons dans l’intimité de Dieu, les épreuves de la vie prennent une tout autre dimension.

Ce rapprochement avec le “Notre Père” est d’autant plus intéressant et important que le récit des événements de la Passion, que nous allons lire dans un instant, est, de toute la vie de Jésus, la période qui nous est connue de la façon la plus détaillée.

«Quand vous priez, dites : Notre Père, que ton nom soit sanctifié…»
Les Évangiles parlent plusieurs fois de la prière de Jésus… mais si on met à part la fin de l’Evangile de Saint Jean, ils ne disent rien du contenu de cette prière… sauf dans le récit de l’agonie à Gethsémani… où la prière de Jésus commence aussi par ces mots : «Abba, Père ! » (Mc 14, 36)

Si vous allez en Palestine, vous entendrez dans la rue des enfants qui appellent leur père… ils disent : «Abba» ce qui veut dire : «papa»
Personne en Israël n’avait jamais prié en appelant Dieu : «Abba… papa»
La relation de Jésus à Dieu est une nouveauté inouïe… et pourtant ce n’est pas une exclusivité ou un privilège ! Que ce soit dans les joies ou dans les épreuves… c’est de cette façon que Jésus nous invite à prier… parce que nous sommes devenus ses frères par la grâce de l’Esprit Saint.
Il dira à Marie Madeleine : «Va trouver mes frères et dis leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.»

«Que ton règne vienne…»
Ce qui concerne le règne de Dieu n’est pas propre au récit de la Passion : c’est une chose qu’on trouve dès les premières lignes de l’Evangile… et on voit que c’est par Jésus que vient ce “Règne de Dieu”… il laisse entendre que sa Mission n’est pas autre chose que le “Règne de Dieu”.
Mais quand il comparaît devant Pilate, il fait plus que le laisser entendre … il dit : «Mon royaume… mon règne… n’est pas de ce monde.» Il est donc du monde de Dieu… son règne vient de Dieu !

«Que ta volonté soit faite.»… C’est la prière qu’il faut pouvoir dire dans les plus grandes épreuves… celle qui nous fait expérimenter la paix du Christ … non pas une paix qui ferait disparaître les épreuves… mais une paix qui nous rend assez libres pour les accepter.
Cette entrée dans la paix du Christ : cette paix qu’il veut nous donner… lui-même, le premier, en a fait l’expérience à Gethsémani :
«Père, que ce ne soit pas ma volonté, mais ta volonté qui soit faite.»

«Donne-nous ... notre pain de ce jour.»
Est-ce une demande pour ne pas manquer des nourritures terrestres ?… ou s’agit-il de ce pain qui est son corps… et que Jésus, à la Cène, vient de donner à ses disciples… les exégètes sont partagés… et certains d’entre eux supposent que cette incertitude des exégètes a été voulue par Jésus… il aimait bien les formules qui avaient plusieurs sens et qui obligeaient ses disciples à réfléchir.

«Pardonne-nous ... comme nous pardonnons à ceux qui nous offensent.»
Jésus pardonne à Pierre qui l’avait renié autant qu’on peut renier… et sur la Croix, il pardonne à ses bourreaux :
«Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.»… et vous voyez que, là aussi, c’est une prière qu’il adresse à son Père.

«Ne nous laisse pas succomber à la tentation.»
Ici également, on retrouve une parole de l’agonie à Gethsémani :
«Veillez et priez, afin de ne pas entrer dans la tentation.»
Et là aussi, vous remarquez que le remède pour ne pas tomber dans la tentation, c’est la prière… comme le Notre Père, qui est une prière.
Il faut même : “veiller et prier”… non pas prier occasionnellement, mais persévérer dans la prière.

La prière du Seigneur est donc l’expression de sa propre relation au Père, c’est l’expression de ce qu’il a vécu pendant les moments heureux de sa vie terrestre… de ce qu’il a vécu chaque nuit, quand il prenait de longs moments de prière… et aussi de ce qu’il a vécu dans les jours de la Passion.

Pour nous également, c’est une joie de savoir que le Créateur de l’univers nous aime comme ses enfants… de savoir que celui qui tient toute chose dans l’existence nous aime avec la tendresse d’un Père.
Et ce récit de la Passion nous révèle que cette prière des fils adoptifs n’est pas seulement la prière des moments heureux… c’est aussi la prière de ceux qui acceptent de communier à la Passion du Fils de Dieu.

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