On a souvent en tête une idée toute faite sur Marthe et Marie : d’un côté, celle qui travaille… de l’autre, celle qui prie ou qui contemple.
Ce qui prouve que nous lisons l’Evangile un peu vite… on le prend pour un texte facile… et on ne se donne pas la peine d’être attentif.
On entend souvent : “Moi je suis Marthe”… ce qui veut dire : “je fais le travail… et si je n’étais pas là, qui le ferait ?”
Ce qui veut dire aussi que Jésus est injuste !
Et du coup, on suppose que Marie représente ceux qui consacrent toute leur vie à la prière… et on se dit que cet Évangile n’est pas pour nous.
En réalité cet Evangile ne dit pas que Marie ne travaille pas… et il ne reproche pas non plus à Marthe de travailler !
Si vous le relisez attentivement, vous verrez que Jésus ne dit pas du tout ça… il dit : «Marthe… tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses.»
Il ne lui reproche pas son travail… mais son inquiétude et son agitation !
Le travail c’est bien… l’Evangile ne le déconseille pas… mais l’inquiétude et l’agitation, c’est mauvais pour la santé… et pour la vie spirituelle !
Et Saint Luc ajoute : « Marthe était accaparée » par ses occupations.
Son problème : ce n’est pas qu’elle travaille… c’est qu’elle s’inquiète… qu’elle s’agite… et qu’elle est accaparée !
Quant à Marie, on ne dit pas qu’elle ne fait rien… on dit simplement qu’elle faisait en sorte d’être disponible quand Jésus était là !
On peut supposer qu’elle était organisée… qu’elle faisait les choses en temps voulu… ce qui lui permettait de prendre du temps pour accueillir un invité, être avec lui, lui parler et l’écouter !
Cet invité était le Fils de Dieu ! Quand on pense qu’il a dû passer quelques heures en tout et pour tout chez Marthe et Marie… et que Marthe n’a pas pris le temps de profiter de sa présence !
Son esprit était tellement accaparé par les choses à faire… qu’elle n’a pas été capable de vraiment le rencontrer !
Il va de soi que cet Evangile ne concerne pas seulement les femmes… et les soucis du ménage !
Nombre d’hommes et de femmes sont totalement accaparés par leur travail… et n’ont plus de disponibilité pour les personnes… y compris les personnes les plus proches.
Les gens superficiels ne sont pas des gens qui ne font rien, mais des gens qui font tellement bien les choses secondaires qu’ils n’ont plus de disponibilité pour l’essentiel.
D’ailleurs, nous le savons bien, le souci de perfection dans les choses secondaires est souvent un prétexte pour fuir l’essentiel.
Et l’essentiel, ce sont les personnes… on le voit dans les deux premiers commandements.
L’amour de Dieu : la rencontre de Dieu, la communion avec lui…
et l’amour fraternel : la rencontre d’un ami ou d’un proche.
Notez que rencontrer Jésus, c’est les deux à la fois : c’est rencontrer Dieu et c’est rencontrer un ami !
En Jésus, Dieu s’est fait proche… il s’est fait notre ami :
Il disait : «Je ne vous appelle plus serviteurs… je vous appelle mes amis.»
Pour Marie de Béthanie, il était à la fois le Seigneur et un ami !
Quelle tristesse si elle avait gâché de tels moments en se laissant accaparer par ses petites affaires !
On comprend le reproche que Jésus fait à Marthe… elle s’agite… elle donne trop d’importance aux petites choses.
Marie aussi devait passer du temps aux tâches quotidiennes.
Il est probable qu’elle faisait bien son travail.
Et le faire bien, cela veut dire que, le moment venu, elle mettait de côté le secondaire pour se consacrer à l’essentiel.
«Une seule chose est nécessaire… Marie a choisi la meilleure part.»
Nous connaissons tous la tentation de nous attacher démesurément à certaines choses en laissant de côté celles qui nous déplaisent et nous ennuient !
Donner la priorité aux personnes, c’est donner la priorité à l’amour… et cette attention aux personnes demande un certain détachement des choses.
Ce que Jésus nous demande, c’est de bien faire les choses sans se laisser prendre au jeu… bien faire les choses sans trop s’attacher à elles… et en restant disponible pour s’attacher aux personnes.
Accueillir le Fils de Dieu dans notre maison, être assis à ses pieds… pour écouter sa parole et rester en sa présence… ce n’était pas le privilège de Marie, autrefois, à Béthanie !
C’est une grâce qui est offerte à chacun de nous… si on accepte de laisser de côté pour un temps, ces petites affaires si intéressantes qui mangent notre existence.
Les vacances sont un temps de calme… elles peuvent être le temps d’une sorte de retraite… où l’on est plus disponible pour les rencontres amicales… mais aussi pour la prière… pour l’Eucharistie quotidienne.
Nous n’avons pas l’excuse du travail… mais nous continuons d’encombrer notre vie de choses secondaires !
Dès qu’on voudrait s’arrêter un peu pour être disponible… pour prier… une foule de choses urgentes et indispensables nous viennent à l’esprit… et on remet à plus tard !
Je suppose que beaucoup parmi nous se sentent concernés par cette parole de Jésus à Marthe : «Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses… une seule est nécessaire ! »
Vous connaissez sans doute ce passage du livre de l’Apocalypse : c’est une parole que Jésus à ses disciples de tous les temps :
«Allons, un peu d’ardeur, et repens-toi… (on pourrait dire : reprends-toi !)
Voici que je me tiens à la porte et je frappe;
si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte,
j’entrerai chez lui pour souper,
moi près de lui et lui près de moi.»
Comme chez Marie de Béthanie… le Seigneur Jésus frappe à la porte et s’invite à notre table… si toutefois nous savons entendre… et si nous acceptons de lui ouvrir la porte.
Publié le 2016-07-17