Frères et sœurs, après la prière d’action de grâces, on m’a demandé de vous parler du problème (ou du mystère) du mal.
En fait, ces deux questions sont associées à celle de notre relation à Dieu et à ses deux formes opposées : l’amour de Dieu et le rejet de Dieu.
L’action de grâces, qui a renouvelé votre vie spirituelle, est ce qui découle tout naturellement de notre foi en Dieu notre Père, créateur de tout ce qui existe et de tout ce que nous sommes.
Saint Paul écrivait aux Romains : “Depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu : sa puissance éternelle et sa divinité, sont rendues visibles, pour l’intelligence, à travers ses œuvres. Les hommes sont donc inexcusables, puisque, connaissant Dieu, ils ne lui ont pas rendu la gloire ni l’action de grâce qui reviennent à Dieu.” (Rom 1,20-21)
Dans les religions du monde ancien, les hommes avaient une certaine idée de Dieu : ils devinaient que l’univers était son œuvre… mais ils n’ont pas su en tirer les conséquences… et répondre à un tel amour.
Celui qui connaît Dieu est inexcusable, selon Saint Paul, s’il n’en vient pas à l’aimer par dessus tout et à lui rendre grâces.
L’action de grâces n’est donc pas facultative… et ceux qui s’étonnent de vous voir prendre le temps, chaque semaine, de le remercier, devraient plutôt se demander comment ils ont pu passer des mois ou des années sans exprimer leur amour et leur gratitude.
Mais, chacun de vous a eu l’occasion de rencontrer des hommes et des femmes qui, loin de l’aimer et de le remercier, se font les juges de Dieu.
Ayant perdu le sens du péché, ils ne voient pas vraiment le mal dans leur vie… et ils raisonnent comme si le grand coupable du mal était Dieu !
Le péché, ils le revendiquent comme une liberté, et certains refusent de le considérer comme un mal… à moins qu’il ne vienne de personnages particulièrement monstrueux et malfaisants.
Ce qu’ils considèrent comme le seul vrai mal, ce n’est pas le péché, mais la souffrance, la maladie et la mort… et dans cette perspective matérialiste, celui qui, pour eux, serait le responsable de presque tous les maux, s’il existait, ce serait Dieu !
Ils estiment que si Dieu existait vraiment, son devoir serait d’être à leur service et de les protéger de toute souffrance physique et morale.
Il manipulerait les lois de la nature pour qu’elles nous épargnent… et mieux encore, il laisserait chacun faire tout le mal qu’il désire, mais il ferait en sorte que ce mal n’aboutisse pas, et ne blesse pas les innocents.
Constatant qu’un tel Dieu-sécurité-sociale… ou un Dieu-assurance-toute-maladie-et-tout-dommage-personnel… ou un Dieu-prestidigitateur escamotant le mal dans son grand chapeau… n’existe pas, ils ne croient pas en Dieu… attitude qui a le mérite d’une certaine logique.
Il est vrai que certains rêvent, pendant un temps, d’un tel Dieu, qui utiliserait sa toute puissance pour modifier le cours des événements à chaque fois qu’ils sont un obstacle à notre bien être matériel !
Mais un tel univers n’existe pas… et un tel Dieu non plus… et il n’est pas étonnant que ceux qui font ces rêves finissent par ne plus croire en Dieu.
Ils pensent avoir perdu la foi… mais ce Dieu là n’est pas celui de l’Évangile ! Et ce qu’ils ont perdu n’était pas vraiment la foi !
Jésus ne promet pas le confort ni la sécurité à ses disciples… il leur annonce persécutions et catastrophes, et il leur demande d’aborder tout cela avec sérénité… parce que le seul mal véritable est le péché.
Dans la mesure où rien de tout cela ne peut détruire la vie d’enfants de Dieu qui est en nous, ce ne sont pas des maux au sens absolu.
Seul le péché peut détruire cette vie de la grâce.
C’est pourquoi Jésus nous invite à être constamment prêts à le rencontrer : «Tenez-vous donc prêts vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra.» (Mt 24,44)
Et “être prêt”, dans ces passages de l’Évangile, cela signifie : rester vigilant pour ne pas sombrer dans la tiédeur, l’indifférence et le péché.
Non seulement Jésus dit qu’il est impossible d’être son disciple si l’on n’est pas prêt à porter sa croix et marcher à sa suite (Luc 14,27), mais il pousse le paradoxe jusqu’à déclarer bienheureux ceux qui sont frappés par de telles peines : “Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés.” (Mt 5,5)
“Bienheureux ceux qui seront persécutés pour la justice, le royaume des cieux est à eux ! Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi : réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux.” (Mt 5,10-12)
C’est la dernière et la plus développée des béatitudes, et sa perspective, comme celle de tout l’Évangile, est celle de la vie éternelle.
Il va de soi qu’il n’y a pas de réponse définitive au problème du mal en dehors de cette perspective.
Certains semblent croire que l’Écriture Sainte ignore le problème du mal. En fait, il est partout présent dans la Bible, depuis les premières pages du livre de la Genèse, jusqu’à la fin de l’Apocalypse.
Il est présent dans l’Évangile, depuis la naissance de Jésus jusqu’à sa mort sur la croix.
Mais il reste beaucoup à dire sur ce sujet… on y reviendra la prochaine fois.
Que le Seigneur vous bénisse,
JCP
Publié le 2007-10-01