Frères et sœurs, nous avons parfois le sentiment de ne pas savoir prier. Notre prière peut prendre des formes diverses qui sont légitimes… mais on peut dire aussi que toute prière est d’abord une rencontre, ou une relation de personne à personne.
Il nous est arrivé à tous d’être dans lieu de prière, de faire des gestes et de dire des paroles de prière, sans vraiment prendre conscience de la présence de Celui auquel nous adressons notre prière.
Il est vrai que cela ne doit pas nous inquiéter exagérément.
Pour prendre l’exemple de l’Eucharistie : on ne peut pas être intensément conscient, pendant une heure, de ce qu’on célèbre.
Même si on a des moments de moindre attention à la parole ou à la présence du Christ, notre volonté de participer à l’Eucharistie constitue une démarche de prière qui n’est pas sans valeur.
Il peut aussi nous arriver de nous endormir ! Thérèse de Lisieux, qui était malade, les deux dernières années de sa vie, s’endormait régulièrement, dans la chapelle du Carmel, pendant son oraison.
Elle ne s’en inquiétait pas, et elle avait l’habitude, à son réveil, d’offrir au Seigneur, ce temps qu’elle lui avait consacré !
Tout cela pour dire que nous ne devons pas être trop sévères avec nous-mêmes, et ne pas trop juger la valeur de notre prière.
L’adoration n’est pas toujours une expérience heureuse.
Si on se contente de prier lorsque la prière est facile et source de consolation, on ne restera pas fidèle à la prière.
Une prière éprouvante et aride n’est pas une prière sans valeur.
Les moments d’aridité font partie de tout parcours spirituel… comme ils font partie de toute relation d’amour entre deux personnes.
Un amour vrai est un amour fidèle… et un amour est fidèle quand il sait durer dans les moments plus difficiles.
Aimer ses proches ce n’est pas les aimer uniquement quand cet amour nous apporte des satisfactions.
Un tel amour ne serait pas un amour des autres, mais un amour de soi.
Aimer son mari, sa femme, ou ses enfants, c’est les aimer à n’importe quel prix… jusqu’au sacrifice de soi… comme le Christ nous a aimés.
Aimer Dieu uniquement lorsque cet amour est source de joie spirituelle, ce n’est pas aimer Dieu, c’est s’aimer soi-même.
Mais revenons à l’essentiel, qui est la rencontre du Christ.
L’adoration, comme l’oraison, est la rencontre d’un ami… et, tout naturellement, cet ami me demande : “Comment vas-tu ?”
Il y a des jours où tout va mal… et où je fais la rencontre d’un ami.
Si c’est un ami véritable, il ne va pas m’éviter… ni se désintéresser de mes soucis… il ne va pas non plus me juger ni laisser entendre que j’ai ce que je mérite ! Même si j’ai des torts, il sera attentif et bienveillant.
Il est possible que j’aie peu d’amis de cette qualité… mais je sais que j’en ai au moins un ! Si je ne le crois pas, c’est que mon Dieu n’est pas vraiment le Dieu de l’Évangile !
Une première façon d’entrer dans la prière est donc d’entendre cet ami fidèle et bienveillant me demander : “Comment vas-tu ?”… et de prendre le temps de lui répondre.
Ne pas vouloir faire abstraction de mes problèmes pour mieux me concentrer sur la présence du Christ. Ne pas laisser de côté ce qui m’inquiète pour entrer dans la prière.
En fait, ces soucis ne me laisseront pas en paix tant qu’ils n’auront pas pris leur place dans ma prière.
Je ne dois pas m’imaginer qu’ils n’intéressent pas le Seigneur… qu’ils sont mon affaire et que je dois d’abord les résoudre seul.
Parce qu’il est mon ami, il s’intéresse, en vérité, à chacun de mes soucis comme personne au monde ne s’y intéresse.
Il n’est donc pas défendu d’explorer les recoins de ma conscience… d’y débusquer les inquiétudes laissées de côté, et les présenter au Seigneur… parce qu’il a le pouvoir de les résoudre et de leur donner un sens… d’effacer telle difficulté ou de m’apprendre à l’accepter.
Et quelle que soit sa solution, il a, dans tous les cas, le pouvoir de me donner la paix… et de m’ouvrir la porte de l’adoration.
Mon inquiétude peut naître d’un péché… mal soignée, elle comporte un risque d’infection, sous forme de scrupule ou de mauvaise conscience !
Ce que le Seigneur me demande, c’est de lui présenter le fardeau qui me pèse : “Tu le vois, Seigneur, je ne suis pas digne… je n’ai pas de droit devant toi… mais je m’en remets à ta tendresse.”
Et dans cet acte d’amour, je fais l’expérience de son amour… lui qui aime les pécheurs… et n’est pas venu pour des justes, mais pour des pécheurs.
La rencontre d’un tel Ami est à la source de la mission… parce qu’elle m’aidera à être, moi aussi, pour mes frères, un ami bienveillant.
Certains n’ont pas souvent rencontré, dans leur entourage un ami véritable, et il leur sera plus difficile de découvrir ce que peut être l’amour du Christ à leur égard.
Si mon attention et ma bienveillance peuvent leur donner une idée de ce qu’est l’amour du Christ… dans ma pauvreté, j’aurai été un témoin.
Frères et sœurs, que le Seigneur Jésus vous bénisse… qu’il vous fasse découvrir sa miséricorde… qu’il fasse de vous des témoins de sa tendresse.
JCP
Publié le 2008-03-31