Frères et sœurs, je vous ai parlé, la semaine dernière, du Purgatoire, qui tient une place importante dans notre foi et dans la prière de l’Église.
Vous pouvez rencontrer des chrétiens apparemment avertis qui vous disent que cet aspect de la foi est secondaire et dépassé… et d’un autre côté, des chrétiens soucieux de fidélité qui se plaignent qu’on ne prie plus assez pour les âmes du Purgatoire.
Aux uns et aux autres on peut faire ce reproche : “Vous avez des yeux, et vous ne voyez pas, vous avez des oreilles et vous n’entendez pas.” (Mc 8,18)
Les uns et les autres devraient voir et entendre que l’Église, chaque dimanche prie pour les morts… c’est dans le Canon de la Messe, dans la Prière universelle… et presque toujours dans l’intention de la Messe.
Ils devraient savoir que toute prière pour les morts est nécessairement une prière pour les âmes du Purgatoire.
Mais je vais, aujourd’hui, vous parler de l’Enfer… ce que vous me pardonnerez… puisque Jésus en parle assez souvent dans l’Évangile.
Seuls les derniers textes de l’Ancien Testament en ont parlé, un siècle avant Jésus :
Le livre de la Sagesse : “Les âmes des justes sont dans la main de Dieu et aucun tourment ne les atteindra plus … ceux qui restent fermes dans l’amour demeureront auprès de lui … Les impies, au contraire, recevront le châtiment que méritent leurs pensées …” (Sag. 3,1.9-10)
Dans le second livre des Martyrs d’Israël, un jeune homme dit à celui qui tente de lui faire renier sa foi : “Pour toi … tu verras la grande puissance [de Dieu] : comme il te tourmentera, toi et ta descendance.” (II Macc. 7,17)
Si vous comparez ces textes avec l’enseignement de Jésus, vous pouvez remarquer une différence : dans l’Évangile, Dieu ne tourmente pas !
En général, Jésus parle de l’Enfer dans des paraboles, qui sont des textes imagés. Il le décrit comme une situation douloureuse et définitive, également en utilisant des images (le feu qui ne s’éteint pas… les vers qui ne meurent pas… l’abîme infranchissable !)… mais il prend garde de ne jamais donner à Dieu un rôle de tortionnaire.
Dieu ne se venge pas… ce n’est pas lui qui a voulu l’Enfer… et on ne voit pas pourquoi il ajouterait quoi que ce soit à la peine immense que l’homme s’inflige à lui-même en se séparant de Dieu et en refusant son pardon.
L’erreur des théologiens du Moyen Âge, qui avaient imaginé une peine supplémentaire, vient de ce qu’ils prenaient à la lettre les images de l’Évangile… en particulier l’image du feu.
Mais ils n’ont pas osé faire de Dieu un tortionnaire… et ils ont supposé que ce rôle était tenu par une armée de démons fourchus.
Généralement l’Enfer fait plus peur que le Purgatoire.
Et pourtant, on devrait se rappeler que l’Enfer ne peut être qu’un choix.
Ce n’est pas un lieu… dans lequel on aboutirait sans le vouloir.
C’est un état auquel on aboutit parce qu’on l’a voulu et choisi… alors que le Purgatoire peut être un état auquel on aboutit par faiblesse : précisément parce qu’on n’a pas eu le courage de faire des choix.
Cela dit, je ne souhaite pas vous enseigner la peur ni de l’un ni de l’autre, puisque “l’amour parfait bannit la crainte.” (I Jn 4,18)
L’Enfer n’est pas un danger qui nous menace comme de l’extérieur… mais plutôt de l’intérieur… tout le danger vient de nous.
Si Jésus en parle tant, c’est parce qu’il veut nous mettre en garde contre nous-mêmes. Si l’enfer est éternel, ce n’est pas parce que Dieu, à un certain moment, refuserait de pardonner, mais parce que l’homme, dans son orgueil, est capable d’un endurcissement éternel.
On a dit, à propos du premier péché, que Dieu n’a pas été le Créateur du péché… il existe depuis que l’homme (ou l’Esprit du mal) le fait exister !
Ce n’est pas une “chose” qui existerait en dehors de nous : il n’existe que dans les mauvais choix que nous faisons librement.
L’Enfer n’a pas d’existence en dehors des êtres spirituels qui choisissent le mal. Il est réel… mais sa réalité est celle d’un état de notre esprit.
Dieu n’est le Créateur ni du péché ni de l’Enfer.
Tout comme le péché, on peut dire de l’Enfer qu’il n’a pas d’existence en dehors des êtres spirituels qui s’endurcissent dans le mal.
Il est réel… mais sa réalité est celle d’un état de l’esprit des hommes (ou d’autres créatures spirituelles) qui refusent le pardon de Dieu.
Ce n’est pas un lieu, ni même une réalité créée par Dieu en vue d’y mettre les pécheurs endurcis. C’est un état d’endurcissement éternel… un refus éternel du pardon de Dieu et de la communion avec lui.
C’est un état qui n’est pas voulu par Dieu… mais qui est un choix de l’homme… et Dieu, qui nous a faits libres, respecte tous nos choix.
“Je vous le déclare, tout péché, tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas pardonné … ni en ce monde ni dans le monde à venir.” (Mt 12,31-32)
Ce qui laisse entendre que tous les autres péchés, si graves soient-ils, peuvent être remis, maintenant ou dans le “monde à venir”.
Mais le péché contre l’Esprit n’est pas un péché ordinaire… ce n’est pas un péché tout seul… mais un péché avec, en plus, le refus du pardon.
Ce qui veut dire que l’enfer n’est pas autre chose que le péché contre l’Esprit… alors que tout autre péché, si grave soit-il, sera pardonné, dans la mesure où il ne sera pas associé au refus du pardon.
C’est un enseignement un peu austère… mais en même temps plein d’espérance… notre Dieu étant un Dieu qui veut toujours pardonner.
Que le Seigneur, le Miséricordieux, vous bénisse.
JC.P.
Publié le 2010-06-07