Dans le Poème de la création, un texte babylonien du XIème siècle avant J.C. (antérieur de plusieurs siècles au récit biblique), on raconte que l’homme avait été fait avec de la terre mélangée au sang de Kingou, qui était un dieu intelligent (comme tous les dieux), mais aussi un dieu mauvais, condamné à mort par les autres dieux ! Ce mythe voulait expliquer pourquoi l’homme était à la fois intelligent et pécheur.
Ainsi, selon la théologie babylonienne, le mal venait des dieux : c’est eux qui, à l’origine, avaient fait l’homme pécheur.
L’auteur biblique, qui connaît ce récit, s’inspire de certaines de ses images… mais sa théologie est tout autre : pour lui, d’une part, Dieu est unique… et, d’autre part, il n’a pas créé le mal.
Le ch. 3 de la Genèse fait partie du même document que le ch. 2. Son message est que Dieu n’est pas créateur du péché. Il n’a pas fait l’homme pécheur, il l’a fait libre. Le péché est la conséquence de cette liberté : c’est un choix de l’homme. Il donne ce message d’une grande profondeur dans langage imagé et poétique, et avec un certain humour.
Cette histoire, composée avant l’exil à Babylone, met en scène l’homme, la femme, le serpent dans le rôle du tentateur, et Yahvé.
A la différence des paraboles de l’Évangile, qui sont de pures fictions (avec une morale ou un message), le récit de la Genèse a une certaine dimension historique… en ce sens que l’auteur veut nous dire, semble-t-il, que ce péché a eu lieu à l’origine, et qu’il pénalise toute l’humanité.
Il dit cela d’une façon symbolique. Ainsi, dans le jardin, il y a un arbre qui donne la vie (dont l’homme peut manger les fruits), et un autre qui lui est défendu : l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
Ce n’est pas une connaissance théorique, mais plutôt pratique : l’auteur inspiré désigne par là le pouvoir de décider par soi-même de ce qui est bien et de ce qui est mal : ce qui est la racine même du péché ! Manger un tel fruit, c’est l’image par excellence du péché.
Dans cette histoire, le serpent est rusé ou avisé… mais, en même temps, il est cataloguée parmi les “bêtes des champs”, ce qui est une façon humoristique de rappeler que Satan n’est qu’une créature de Yahvé !
Il ment et il fait le malheur des hommes… il leur promet d’être “comme des dieux”… il leur promet la connaissance… mais tout ce qu’ils connaissent, après le péché, c’est “qu’ils étaient nus” : ils prennent conscience de leur précarité et de leur indignité.
Ensuite, tout le monde est puni : le travail de l’homme le fera transpirer, la femme accouchera dans la douleur, et le serpent rampera sur le ventre. Ces punitions sont des symboles : il va de soi qu’avant le péché, le serpent ne marchait pas debout… de même que, ni la transpiration, ni l’accouchement avec douleurs, ne sont des conséquences du péché !
Jésus, qui était sans péché, a souffert, et Marie également.
Mais ces images signifient que la situation actuelle de l’humanité n’est pas normale… et sur ce point, beaucoup sont d’accord, croyants ou incroyants. Et l’enseignement de l’Ancien comme du Nouveau Testament est que cette anomalie est la conséquence du péché.
Saint Paul prolongeant le message de Gn.3, enseigne qu’un premier péché est à l’origine de ce monde pécheur :
“De même que, par la désobéissance d’un seul homme, la multitude a été rendue pécheresse, de même aussi, par l’obéissance d’un seul (le Christ), la multitude sera-t-elle rendue sainte.” (Rom 5,19)
Ce que les hommes se transmettent, depuis ce jour, ce n’est pas un péché au sens propre. Un péché ne se transmet pas, il se commet !
Mais ce qu’ils se transmettent n’est pas sans lien avec le péché, en ce sens qu’ils ont cessé de se transmettre la grâce originelle (l’immaculée conception originelle) qu’ils auraient dû se transmettre, selon le projet initial de Dieu.
Le “péché originel” dont nous héritons est l’absence de la sainteté originelle : absence qu’on ne saurait reprocher à Dieu comme une injustice, personne ne pouvant revendiquer un droit à l’immaculée conception.
Dieu a pris le risque du péché… parce qu’une personne ne peut être qu’un être libre. Dieu ne pouvait pas créer des êtres spirituels, des êtres à son image (capables de partager sa vie divine) sans leur donner la liberté … et donc sans prendre le risque du péché.
La suite du récit, et toute la Bible, montre que Dieu n’abandonne jamais l’homme blessé par le péché… il ne cesse de patienter et de faire grâce.
Le salut que nous donne le Fils de Dieu ne nous rend pas l’immaculée conception, nous restons attirés par le mal… mais il nous donne l’essentiel de la grâce originelle : la filiation adoptive.
Par l’Esprit Saint, il nous introduit dans la vie trinitaire :
“En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu : vous n’avez pas reçu un Esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils (adoptifs) et par lequel nous crions : Abba, Père. Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.” (Rom 8,14-17)
JCP
Publié le 2007-12-03