Parabole de la semence

Parabole de la semence (Mc 4,1-9)
“Voici que le semeur est sorti pour semer. Comme il semait, il est arrivé que du grain est tombé au bord du chemin, et les oiseaux sont venus et ils ont tout mangé. Du grain est tombé aussi sur du sol pierreux, où il n’avait pas beaucoup de terre ; il a levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde ; et lorsque le soleil s’est levé, ce grain a brûlé et, faute de racines il a séché. Du grain est tombé aussi dans les ronces, les ronces ont poussé, l’ont étouffé, et il n’a pas donné de fruit. Mais d’autres grains sont tombés sur la bonne terre ; ils ont produit trente, soixante, cent pour un … Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende !”
Ce n’est pas la parabole du “semeur” : il n’a pas de rôle significatif… ce n’est pas non plus la parabole de la terre ou de la graine considérées séparément… c’est la parabole de la semence : c’est-à-dire : de la graine en tant que semée dans un terrain plus ou moins favorable.
La parabole évoque la fin du ministère galiléen, quand une partie du peuple s’éloigne de Jésus et qu’un groupe de disciples reste fidèle.
L’accueil fait au Royaume peut être décevant à des degrés divers… mais ceux qui l’ont bien accueilli porteront du fruit !
Jésus précise que la mauvaise croissance de certaines graines ne doit pas faire douter de la récolte. Quand on sème, il y a toujours une part de perte… mais on sait qu’il y aura une récolte.
Jésus ne compare pas quatre types de grains, mais quatre situations du grain : les quatre sortes de terrains qui conditionnent son développement.
En fonction de son environnement, le grain : est mangé à peine tombé… il sèche à peine germé… il est étouffé avant de fructifier… il fructifie.
Aux trois terrains stériles est opposé le terrain fertile… qui comporte lui-même trois degrés de fertilité.
“Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende.” La formule est sévère et suppose que certains ne veulent pas comprendre. Jésus est conscient que, dans son auditoire, tous ne sont pas bien disposés.
Explication de la parabole de la semence (Mc 4,13-20)
“Le semeur sème la Parole. Ceux qui sont au bord du chemin où la Parole est semée, quand ils l’entendent, Satan survient aussitôt et enlève la Parole semée en eux. Et de même, ceux qui ont reçu la semence dans les endroits pierreux, ceux-là, quand ils entendent la Parole, ils la reçoivent aussitôt avec joie ; mais ils n’ont pas en eux de racine, ce sont les hommes d’un moment ; quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, ils tombent aussitôt. Et il y en a d’autres qui ont reçu la semence dans les ronces : ceux-ci entendent la Parole, mais les soucis du monde, les séductions de la richesse et tous les autres désirs les envahissent et étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Et il y a ceux qui ont reçu la semence dans la bonne terre : ceux-là entendent la Parole, ils l’accueillent, et ils portent du fruit : trente, soixante, cent pour un.” (14-20)
L’explication, en partie postérieure à Jésus, est allégorisante, ce qui n’est pas dans l’esprit de la parabole initiale… ce qui ne change rien à son inspiration. Le rédacteur de l’Évangile est un auteur inspiré et son message est une parole de Dieu au même titre que la parabole.
Cette explication comporte des hésitations, parfois la semence est la Parole (4,14-15), mais ensuite (4,16-18) la semence-dans-les-pierres, la semence-dans-les-épines et la semence-dans-la-bonne-terre représente les hommes plus ou moins bien disposés.
Jésus veut dire que le Règne de Dieu ne s’impose pas… il est proposé à tous, et son succès dépend de la façon dont chacun écarte les obstacles et lui ouvre son cœur.
Quoi qu’il en soit, l’image de la “graine-Parole” signifie que la Parole de Dieu n’est jamais inefficace : elle est toujours accompagnée d’une grâce. Si elle n’agit pas, ce n’est pas parce que cette grâce aurait été insuffisante, mais parce que l’homme a fait obstacle à la grâce.
Dans la Parabole, il n’y a pas de mauvaise graine : il n’y a que du bon grain. La grâce de Dieu est toujours bonne… toujours suffisante.
C’est le terrain qui est plus ou moins bon. Les divers terrains possibles, sont nos différentes façons d’accueillir l’action de Dieu.
Certains “reçoivent la parole avec joie” (Mc 1,14), émus par une émission sur Mère Theresa… mais ils zappent pour un polar… et cinq minutes après, ils ont tout oublié !
D’autres “ont bien entendu la Parole” (Mc 1,18). Tant qu’ils sont dans un milieu favorable, tout va bien… mais dans un milieu où l’argent et les soucis prennent toute la place, il n’ont plus de place pour Dieu !
Ils croient qu’on peut tout concilier… ce qui se termine par un conflit entre la sainteté et les soucis de la vie ou la séduction des richesses.
Il leur semble impensable de sacrifier quoi que ce soit à l’Évangile… de sorte qu’un jour ou l’autre ils finissent par sacrifier l’Évangile.
« Là où est ton trésor, là sera ton cœur … » (Mt 6,21)
Mais aucun de nous n’est prédestiné à avoir les dispositions qui sont celles d’un champ d’épines.
Chacun peut avoir de plus en plus les dispositions qui sont celles d’une bonne terre… et c’est à cela que Jésus nous invite dans cette Parabole.
C’est une invitation à faire tout son possible, mais sans se prévaloir de ses mérites : ce n’est pas d’abord la terre qui porte du fruit, mais la graine.
Mais cette graine ne donnera un épi que si je suis une bonne terre en faisant tout ce qui dépend de moi pour qu’elle porte du fruit.
JC.P.

Notes sur la parabole de la semence
Parabole de la semence (Mc 4,1-9)
4,3 Invitation à écouter. Parabole sur les conditions nécessaires (aptitudes et environnement) pour porter du fruit.
4,4 “Et il arriva que dans les semailles, il en tomba le long du chemin”.
Jésus ne sépare pas le grain et le terrain : il considère le grain en situation : le grain-le-long-du-chemin. En Palestine, les chemins qui traversent les champs n’ont pas de limite précise. On voit souvent des volées de moineaux qui suivent les semeurs et qui attrapent le grain avant qu’il ait touché terre.
4,5 “Et de l’autre tomba sur le sol pierreux”… il lève trop vite et sèche très vite ! Sur les collines de Palestine, le sol est peu profond et le rocher affleure par endroits.
4,7 “Et de l’autre tomba dans les épines”… La plante est étouffée : si elle ne donne pas de fruit, c’est en raison de son environnement : il y a deux conditions nécessaires de la croissance : la graine et son “terrain”.
4,8 “Et d’autres tombèrent dans la bonne terre”… On pouvait dépasser cent pour un dans les terres très fertiles de la plaine de Génézareth… sur les collines de Judée, en 1900, les Arabes n’obtenaient pas beaucoup plus que trois pour un.
Jusque là, ce qui tombait était au singulier… ici, la formule est au pluriel pour faire porter l’attention sur la fécondité de chaque grain.
Jusque là, c’était la différence de terrain qui expliquait la différence de fécondité… ici, dans un même terrain, c’est la différence de qualité des semences… ce qui est le signe d’un remaniement par rapport à la parabole initiale.
Jésus ne comparait pas quatre types de grains, mais quatre situations du grain : les quatre sortes de terrains qui conditionnent son développement.
En fonction de son environnement, le grain : est mangé à peine tombé… il sèche à peine germé… il est étouffé avant de fructifier… il fructifie.
Aux trois terrains stériles est opposé le terrain fertile. La considération des trois degrés de fertilité (sous l’influence de Matthieu) révèle un rédacteur qui n’a pas vu où était la “pointe” de la parabole primitive.
4,9 “Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende.” La formule est sévère et suppose que certains ne veulent pas comprendre. Jésus est conscient que, dans son auditoire, tous ne sont pas bien disposés.
Explication de la parabole de la semence (Mc 4,13-20)
L’explication de la parabole est allégorisante, ce qui n’est pas dans l’esprit des paraboles. Quelques incohérences sont révélatrices de ce remaniement. L’exégèse “historico-critique” s’efforce de reconstituer l’histoire du texte, ce qui ne remet pas en cause son inspiration.
4,14   “Le semeur sème la Parole”… L’interprétation allégorique est encore plus nette chez saint Luc qui écrit : “la semence est la Parole de Dieu” (Lc 8,11).
On nous dit, ici, que la graine est la parole… mais ensuite, on ne sait plus très bien si les hommes sont représentés par la graine ou par le terrain !… hésitation compréhensible : puisque la parabole initiale envisageait la graine en tant que conditionnée par son terrain !
4,15   “Ceux-là sont les le-long-du-cheminoù est semée la parole.”
Pour être en harmonie avec la suite on aurait du avoir : “Ceux-là sont les (semés) le long du chemin.”… mais ici il faut que la graine soit la parole (v. 14), pour fonder l’allégorie qui identifie Satan aux oiseaux : ce qui permet de dire que Satan “enlève la Parole” ! On ne pouvait pas dire que Satan enlève l’homme !
4,16   “Les sur-les-pierrailles étant semés”. Les hommes sont ici : les grains-semés-sur-les-pierres. Le principe posé au v. 14 n’est pas respecté, et on retrouve la parabole originelle : “quand ils écoutent la Parole”… le grain n’est donc pas la parole, mais celui qui l’écoute !
4,17   “ils n’ont pas de racine en eux” : il s’agit évidemment des hommes-semences.
4,18   Ce sont les hommes qui sont : les grains-semés-dans-les-épines.
Ils “entendent la Parole”… qui n’est donc pas le grain !
4,19   Les soucis et les tentations “étouffent la Parole, et elle reste sans fruit”… dans la même phrase, la semence représente les hommes (v.18) et la parole (v.19) puisque c’est la parole qui est étouffée par les tentations !
Luc 8,14 évite cette inconséquence : “Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui écoutent, et par les soucis et les richesses et les plaisirs de la vie, faisant route, ils sont étouffés.”
4,20   “Les sur-la-bonne-terre ayant été semés”. Les hommes sont : les grains-semés-sur-la-bonne-terre. Ils écoutent la Parole (qui n’est pas le grain)… ce sont donc les hommes-semences qui portent du fruit et non pas la Parole.
Outre ces inconséquences, ces remaniements tardifs ont laissé des traces au niveau du vocabulaire, qui est celui l’Église primitive :
“la Parole” est un terme technique forgé par l’Église primitive pour désigner l’Évangile ou la Bonne Nouvelle.
Le langage du v. 17 est celui des Actes, de Paul et des premiers chrétiens, plus que celui de l’Évangile : “la tribulation”, “les persécutions”, “les soucis du monde”, “la tromperie”, “les richesses”, “les désirs”.
La parabole annonçait la venue du Royaume : les disciples étant une graine bien semée et féconde.
L’explication s’intéresse surtout aux dispositions morales des auditeurs… interprétation que les premiers prédicateurs ont jugé la plus utile au plan de la prédication : il fallait être bien disposé et prêt à se convertir pour reconnaître en Jésus l’avènement du Royaume. Dans l’Église, il faut de la même façon, être une graine bien semée pour rester fidèle à la “Parole”.
Il est probable que Jésus pensait aux dispositions morales… mais on peut supposer qu’il envisageait aussi des non-dispositions autres que morales : manque de foi… culture rabbinique : pharisienne ou sadducéenne… mépris des Galiléens… mépris des Juifs pour les Romains… attente d’un messie royal… formes diverses de méconnaissance ou d’indifférence.
La parabole est traitée en allégorie dont chaque élément a un correspondant qui est manifesté par l’explication : les oiseaux sont le diable, les pierres sont la détresse ou la persécution, les épines sont les richesses, les convoitises et les soucis du monde.
Cependant, on ne doit pas considérer toute correspondance avec les diverses catégories d’hommes comme des développements allégorisants : ce sont bien les hommes qui doivent reconnaître et accueillir le Règne de Dieu… et la pointe de la parabole vise au moins deux catégories de réponses, sinon quatre.

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