La question du scribe est : “Que faut-il faire pour avoir la vie éternelle ?”
La morale, c’est ce qu’on fait ou ce qu’on ne fait pas : notre comportement est décisif pour parvenir à la vie éternelle.
Le jeune homme riche avait posé la même question, et Jésus avait répondu en énumérant les commandements.
Ici, la réponse est l’amour : lui seul donne sens et valeur à notre comportement, réponse qui n’est pas en opposition avec la précédente, les commandements étant les formes diverses de l’amour : ce qu’on ne doit pas faire aux autres lorsqu’on prétend les aimer.
L’autre question du docteur de la Loi est plus surprenante. Il demande : « Qui est mon prochain ? »
Il connaît la Loi de Moïse, il sait qu’il faut aimer son prochain, et il ne songe pas un instant à contester ce commandement de Dieu.
Les docteurs Juifs raisonnaient ainsi : “Tu dois aimer ton prochain comme toi-même (Lév. 19,18)… mais si tu rencontres quelqu’un qui n’est pas ton prochain, dans ce cas, tu n’es pas tenu de l’aimer !”
Toute la question était de savoir qui avait droit au titre de “prochain” !
Il arrivait à Jésus de se fâcher contre l’hypocrisie des pharisiens.
Mais ce jour-là, il ne se fâche pas… le docteur de la Loi se pose sincèrement la question… il ne sait pas comment faire le tri : un étranger, un ennemi, un inconnu… est-ce bien mon prochain ?
On notera l’habileté de la réponse. Les Samaritains sont une race méprisée par les Juifs… et Jésus se garde bien de faire la morale au docteur de la Loi en lui demandant d’être gentil avec les Samaritains !
Il suffit de transposer cette parabole dans l’Israël d’aujourd’hui pour comprendre qu’il aurait hérissé ses auditeurs… et que personne n’aurait écouté la suite de son histoire !
Il raconte l’histoire dans l’autre sens :
Un Juif est mourant au bord de la route… passe un prêtre du Temple… un frère de race… mais il a de bonnes raisons pour décider que ce blessé n’est pas son prochain… s’il touche un blessé, il va se mettre du sang partout… d’après la Loi il sera impur pour plusieurs jours !
On peut juger, avec raison, qu’une telle attitude est monstrueuse !
Mais on peut aussi poser la question : Combien de fois ai-je décidé que telle personne n’était pas mon prochain ?… que son problème n’était pas mon problème… que ce n’était pas à moi de le résoudre !
Arrive un Samaritain… cet homme blessé qu’il voit en travers du chemin est un de ces Juifs qui ne l’aurait pas regardé en temps normal.
Si le Samaritain s’était posé la même question que le scribe, il aurait eu toutes les raisons de considérer que cet homme n’était pas son prochain.
S’il s’arrête, il n’a qu’une raison : cet homme a besoin de lui.
S’il ne s’arrête pas, il va mourir !
Et sa disponibilité est à peine crédible : il le soigne, il le met sur son âne, le conduit dans une auberge, paye d’avance… et s’engage même à payer le surplus quand le Juif sera guéri et reparti chez lui !
Jésus raconte une histoire où un Juif est abandonné par ses frères de race, et il oblige le scribe à reconnaître que seul un Samaritain a été le prochain de ce Juif blessé.
La réponse de Jésus est provocante… un Samaritain ne pouvait, en aucun cas, en Israël, être considéré comme un modèle de vie religieuse !
Mon prochain ce n’est pas celui qui entre dans une certaine catégorie : la catégorie des gens que j’accepte d’aider !
Jésus donne une définition du prochain qui aurait dû être évidente dès le départ… mon prochain, c’est celui qui est proche… c’est celui que Dieu a mis sur mon chemin… et qui a besoin de moi.
Noter qu’il demande : “Qui des trois a été le prochain de l’homme blessé ?” La question n’est pas de savoir “qui est mon prochain” : qui j’accepte de considérer comme mon prochain… la vraie question est d’être le prochain de celui qui est là, sur mon chemin.
Dans l’Évangile : aimer est synonyme de faire du bien.
On le voit dans les deux formules parallèles :
“Aimez vos ennemis, faites du bien…” (Luc 6,35)
Être parfait (c’est-à-dire aimer) comme le Père céleste est parfait (Mt 5,48), c’est faire du bien à n’importe qui : les bons et les mauvais. (Mt 5,45).
Mon prochain, ou mes prochains… ce sont mes proches… ma famille… mes relations habituelles… et tous ceux que la vie met sur ma route.
J’aimerais choisir mon prochain… mais souvent c’est Dieu qui choisit à ma place… et son imagination est sans limite !
Tous ceux que Dieu choisit de mettre en travers de mes pas (comme dans la parabole)… il me faut prendre garde de ne pas les enjamber (comme le prêtre de la parabole) pour continuer mes petites activités !
C’est bien (c’est vraiment bien) de choisir des activités et de prendre des engagements… mais la disponibilité aux appels de Dieu c’est mieux !
Mon prochain c’est celui qui a besoin d’être aimé… et quand Dieu le choisit pour moi… il ne choisit pas toujours celui que j’aurais choisi.
Que le Seigneur vous bénisse.
JC.P.
Publié le 2011-06-28